• Croc Blanc

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    I - Sept ?... ou cinq ?...

    Bill jeta du bois dans le brasier, alluma sa pipe, et, après en avoir tiré quelques bouffées :

    « Je songe, Henry, que celui qui est là-dedans (et il indiquait de son pouce la boîte sur laquelle ils étaient assis) est diantrement plus heureux que toi et moi nous ne serons jamais. Au lieu de voyager aussi confortablement après notre mort, aurons-nous seulement un jour quelques pierres sur notre carcasse ? »

    Bill allait continuer, quand il vit, dans le mur noir de la nuit, une paire d’yeux brillants comme des braises. ll la montra à Henry qui lui en indiqua une seconde, puis une troisième. Un cercle d’yeux étincelants les entourait. Par moments, une de ces paires d’yeux se déplaçait, ou disparaissait, pour reparaître à nouveau, l'instant d’après. Les chiens bondissaient, affolés, autour du feu, ou venaient, en rampant, se blottir entre les jambes des deux hommes. Au milieu de la bousculade, l’un d’eux bascula même dans la flamme et se mit à pousser des hurlements plaintifs.

    « C’est, continua Bill, une triste situation de se trouver à court de munitions. »

    Il avait achevé sa pipe et aidait son compagnon à étendre, sur des branches de sapin disposées sur la neige, un lit de couvertures et de fourrures. Henry grogna, tout en commençant à délacer ses chaussures :

    « Combien dis-tu, Bill, qu’il nous reste de cartouches ?

    — Trois. Et je voudrais qu’il y en eût trois cents. Je leur montrerais alors quelque chose... »

    Il secoua son poing avec colère vers les yeux luisants. Puis, ayant enlevé à son tour ses mocassins, il les déposa devant le feu :

    « Je voudrais bien aussi que ce froid cesse net ! Ah ! soupira-t-il, à quand le jour où nous nous retrouverons, toi et moi, au fort M'Gurry, tranquillement assis auprès du feu et jouant aux cartes ? »

     

     Henry poussa un nouveau grognement et se glissa sous la couverture... Bill en fit autant et les deux compagnons, là-dessus, s’assoupirent, soufflant lourdement, côte à côte. Le feu tomba peu à peu et les yeux brillants resserrèrent le cercle qu’ils traçaient. Dès que deux d'entre eux s'avançaient, plus proches, les chiens grondaient, apeurés et menaçants à la fois. Leurs cris devinrent si forts à un moment, que Bill s’éveilla. Il sortit du lit avec précaution, afin de ne pas troubler le sommeil de son camarade, et renouvela le bois du foyer. Dès que la flamme se fut élevée, le cercle d’yeux recula. Bill jeta un regard sur le groupe des chiens. Puis, s’étant frotté les paupières, il se prit à les regarder avec plus d’attention. Après quoi, s’étant coulé sous la couverture :

    « Henry... Oh ! Henry !

    — Qu’est-ce qui ne va pas ?

    — Rien. Mais je viens de les compter, et ils sont encore sept. »

    Henry reçut cette communication sans se troubler et, quelques instants après, il ronflait à poings fermés.

    C'est lui qui, le matin venu, s'éveilla le premier et tira hors de son lit son compagnon. Il était six heures, mais le jour ne devait point naître avant longtemps. Il se mit, dans l'obscurité, à préparer le déjeuner, tandis que Bill roulait les couvertures et préparait le traîneau pour le départ.

    « Dis-moi, Henry, demanda-t-il soudainement, combien de chiens prétends-tu que nous avons ?

    — Six ?

    — Erreur ! s'exclama Bill.

    – Sept, de nouveau ? questionna Henry.

    — Non. Cinq. Un est parti !

    — Enfer ! cria Henry avec colère... Tu as raison, Boule-de-suif est parti.

    — Il s’est éclipsé avec la rapidité d'un éclair. La fumée nous aura caché sa fuite.

    — Ce n’est pas de chance, pour lui ni pour nous. Ils l'auront avalé vivant. Je parie qu'il hurlait comme un damné en descendant dans leur gosier.

    — Ce fut toujours un chien fou, observa Bill...»

    Telle fut l'oraison funèbre d’un chien mort en cours de route, sur une piste de la Terre du Nord.

     

    Jack London

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