• Poésies CM2

    Cette sélection de poésies pour le CM2 se trouve dans le manuel ancien :

    Gérard, Lecture CM2 (avec les mots de tous les jours).

     

    Poésies CM2

    Source de la photo : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aube_avril.jpg

     

    R. Desnos : La voix

    A. Rimbaud : Le buffet

    V. Hugo : Chagrins d'enfant

    Rutebeuf : Complainte (extrait)

    La Fontaine : Le Renard et la Cigogne

    R. Dévigne : Odeur marine

    A. Druelle : Là-bas, sur un coteau crayeux

    P. Valéry : La fileuse

    F. Jammes : La salle à manger

    M. Jacob : Le départ

    J. Loisy : Le dictionnaire

    G. Fourest : Les sardines à l'huile

    F. Jammes : Rêverie au bord de l'eau

    S. Sicaud : Printemps

    P. Verlaine : Marine

    R. M. Rilke : Bouche de la fontaine

    E. Montale : L'anguille

    V. Hugo : Pêcheur en mer

    R. G. Cadou : J'ai toujours habité...

     

    La voix

    Une voix, une voix qui vient de si loin
    Qu’elle ne fait plus tinter les oreilles,
    Une voix, comme un tambour, voilée
    Parvient pourtant, distinctement, jusqu’à nous.

    Bien qu’elle semble sortir d’un tombeau
    Elle ne parle que d’été et de printemps
    Elle emplit le corps de joie,
    Elle allume aux lèvres le sourire.

    Je l’écoute. Ce n’est qu’une voix humaine
    Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
    L’écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.

    Et vous? ne l’entendez-vous pas?
    Elle dit « la peine sera de peu de durée »
    Elle dit « La belle saison est proche »
    Ne l’entendez-vous pas?

    Robert Desnos, Domaine public.
    Gallimard.


    Le buffet

    C’est un large buffet sculpté : le chêne sombre,
    Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens.
    Ce buffet est ouvert et verse dans son ombre,
    Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants.

    Tout plein : c’est un fouillis de vieilles vieilleries,
    De linges odorants et jaunes, de chiffons
    De femmes et d’enfants, de dentelles flétries,
    De fichus de grand-mère où sont peints des griffons.

    C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches
    De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
    Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.

    Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires!
    Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
    Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.

    Arthur Rimbaud, Poésies.


    Chagrins d’enfant

    Le devoir fait, légers comme de jeunes daims,
    Nous fuyions à travers les immenses jardins,
    Éclatant à la fois en cent propos contraires.
    Moi, d’un pas inégal, je suivais mes grands frères.
    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
    Mais, lorsque j’arrivais chez ma mère, souvent,
    Grâce au hasard taquin qui joue avec l’enfant;
    J’avais de grands chagrins et de grandes colères.
    Je ne retrouvais plus, près des ifs séculaires,
    Le beau petit jardin par moi-même arrangé.
    Un gros chien, en passant, avait tout ravagé.
    Ou quelqu’un dans ma chambre avait ouvert mes cages;
    Et mes oiseaux étaient partis pour les bocages,
    Et, joyeux, s’en étaient allés de fleur en fleur
    Chercher la liberté bien loin — ou l’oiseleur.
    Ciel! Alors j’accourais, rouge, éperdu, rapide,
    Maudissant le grand chien, le jardinier stupide,
    Et l’infâme oiseleur et son hideux lacet,
    Furieux! D’un regard, ma mère m’apaisait.

    Victor Hugo, Les rayons et les ombres.


    Complainte (extrait)

    Que sont mes amis devenus
    Que j’avais de si près tenus
    Et tant aimés?
    Je crois qu’ils sont trop clairsemés;
    Ils ne furent pas bien semés :
    Et ont failli.
    De tels amis m’ont mal servi;
    Tandis que Dieu m’a assailli
    De tous côtés,
    N’en vis un seul en mon hosté
    Je crois le vent les m’a ôtés.
    L’amour est morte :
    Ce sont amis que vent emporte,
    Et il ventait devant ma porte,
    Les emporta.

    Rutebeuf, Adaptation P. Seghers.
    Livre d’or de la poésie française. Marabout.



    Le Renard et la Cigogne

    Compère le Renard se mit un jour en frais,
    Et retint à dîner commère la Cigogne.
    Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts :
    Le galand, pour toute besogne,
    Avait un brouet clair; il vivait chichement.
    Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
    La Cigogne au long bec n’en put attraper miette,
    Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
    Pour se venger de cette tromperie,
    À quelque temps de là, la cigogne le prie.
    « Volontiers, lui dit-il; car avec mes amis
    Je ne fais point cérémonie. »
       À l’heure dite, il courut au logis
    De la Cigogne son hôtesse;
    Loua très fort sa politesse;
    Trouva le dîner cuit à point :
    Bon appétit surtout; renards n’en manquent point.
    Il se réjouissait à l’odeur de la viande
    Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
    On servit, pour l’embarrasser,
    En un vase à long col et d’étroite embouchure.
    Le bec de la cigogne y pouvait bien passer;
    Mais le museau du sire était d’autre mesure.
    Il lui fallut à jeun retourner au logis,
    Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris,
    Serrant la queue, et portant bas l’oreille.

    Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
    Attendez-vous à la pareille.

    La Fontaine, Fables (I, 18).



    Odeur marine

    J’ai dans l’âme une odeur marine.

    Odeur de large, odeur de plage, odeur de ports,
    De vieux ports goudronneux et saurs où la marée
    Délaye lentement l’ombre des grands navires...
    Odeur des goémons aux capsules dorées,
    Chevelures d’ambre, algues que je sens encor
    Glisser, vivantes, sur ma bouche et ma mémoire;

    Coquillages gravés au long des promontoires,
    Beau souvenir qui sent la mer et le soleil,
    Les grands chemins marins et les syrtes profondes;
    Ô les chemins qui ne sont pas toujours pareils
    Et qui s’en vont vers l’autre bout du monde! —

    J’ai, dans l’âme, une odeur marine.

    Je porte au fond de moi cette odeur de la mer
    Comme le souvenir des pays et des rêves
    Pour lesquels mon destin n’appareillera plus.

    Mon destin, à jamais banal et révolu,
    — Ah! l’amarre d’un seul bateau qui tire et vire
    Au long du quai désert, sur son anneau de fer! —

    Roger Dévigne, Poèmes


    Là-bas, sur un coteau crayeux

    Là-bas, sur un coteau crayeux, une charrue
    Gravite, en grimaçant de l’âge et de l’essieu.
    Les avoines d’hiver commencent à pointer;
    Les canards migrateurs traversent la vallée;
    Ils nicheront, ce soir, aux méandres du fleuve;
    La marée affluera dans les roseaux des berges;
    Honfleur, brulôt éteint, luira, crépusculaire;
    Puis jaillira l’aurore...; âpre, la haute mer
    Fera chanter le jour dans les agrès du bac;
    Alors les ramasseurs de pommes par les cours
    Élèveront des feux lents sur les côtes bleues;
    Ils rosiront leurs doigts à la flamme; l’espace
    Dilatera le ciel dont strient l’azur les boats.
    Ah! mon cœur tout changeant, tout retrait, pose-toi
    Sur mes jours, comme ces mouettes sur le fleuve...
    Je ne crains ni le soir, ni sa brume océane;
    Je voudrais, au contraire, en la nuit me répandre,
    Devenir cette baie où la Seine s’achève,
    Couler, mon cœur, dormir sur le flux de mes rêves,
    Comme vont ces oiseaux, en l’étendue amère,
    Se laisser, jusqu’à l’aube glacée, bercer par
    La palpitation profuse de la mer.

    André Druelle, Florilège poétique.
    L’Amitié par le Livre.



    La fileuse

    Assise, la fileuse au bleu de la croisée
    Où le jardin mélodieux se dodeline;
    Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

    Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
    Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
    Elle songe, et sa tête petite s’incline.

    Un arbuste et l’air pur font une source vive
    Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
    De ses perles de fleurs le jardin de l’oisive.

    Une tige, où le vent vagabond se repose,
    Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
    Dédiant, magnifique, au vieux rouet, sa rose.

    Mais la dormeuse file une laine isolée;
    Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
    Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.

    Le songe se dévide avec une paresse
    Angélique, sans cesse, au doux fuseau crédule,
    La chevelure ondule au gré de la caresse...

    Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
    Fileuse de feuillage et de lumière cenite;
    Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.

    Ta soeur, la grande rose où sourit une saline,
    Parfume ton front vague au vent de son haleine
    Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte

    Au bleu de la croisée où tu filais la laine.

    Paul Valéry, Album de vers anciens.
    Gallimard.


    La salle à manger

    Il y a une armoire à peine luisante
    qui a entendu les voix de mes grand’tantes,
    qui a entendu la voix de mon grand-père,
    qui a entendu la voix de mon père.
    À ces souvenirs l’armoire est fidèle.
    On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire,
    Car je cause avec elle.

    Il y a aussi un coucou en bois.
    Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.
    Je ne veux pas le lui demander.
    Peut-être bien qu’elle est cassée,
    la voix qui était dans son ressort,
    tout bonnement comme celle des morts.

    Il y a aussi un vieux buffet
    qui sent la cire, la confiture,
    la viande, le pain et les poires mûres.
    C’est un serviteur fidèle, qui sait
    qu’il ne doit rien nous voler.

    Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes
    qui n’ont pas cru à ces petites âmes.
    Et je souris que l’on me- pense seul vivant
    quand un visiteur me dit en entrant :
    — Comment allez-vous, monsieur Jammes?

    Francis Jammes, De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.
    Mercure de France.



    Le départ

    Adieu l’étang et toutes mes colombes
    Dans leur tour et qui mirent gentiment
    Leur soyeux plumage au col blanc qui bombe,
    Adieu l’étang.

    Adieu maison et ses toitures bleues
    Où tant d’amis, dans toutes les saisons,
    Pour nous revoir avaient fait quelques lieues,
    Adieu maison.

    Adieu vergers, les caveaux et les planches
    Et sur l’étang notre bateau voilier,
    Notre servante avec sa coiffe blanche,
    Adieu vergers.

    Adieu aussi mon fleuve clair ovale,
    Adieu montagne! Adieu arbres chéris!
    C’est vous qui tous êtes ma capitale
    Et non Paris.

    Max Jacob, Le laboratoire central. Gallimard.


    Le dictionnaire

    C’est ainsi que j’ai commencé :
    Charme des mots du dictionnaire
    — Agave, alpage, antiphonaire
    — Commencé de voir et d’aimer
    — Licorne, louve, luminaire —

    C’est ainsi que je vais vieillir :
    Mélangeant mémoire et prière
    — Mortefontaine... Apollinaire —
    Ô les visages à venir,
    Ceux du passé dans l’ombre claire

    Quand ma voix ne s’entendra plus,
    Je chanterai mon dictionnaire
    — Licorne, louve, Apollinaire —
    L’enfant, le vieillard confondus
    — Mortefontaine... antiphonaire...

    Jean Loisy, Poésies.
    Éd. Points et Contrepoints.


    Les sardines à l’huile

    Dans leur cercueil de fer-blanc
    Plein d’huile au puant relent
    Marinent décapités
    Ces petits corps argentés
    pareils aux guillotinés
    là-bas au champ des navets !
    Elles ont vu les mers, les
    côtes grises de Thulé,
    sous les brumes argentées
    la Mer du Nord enchantée...
    Maintenant dans le fer-blanc
    et l’huile au puant relent
    de toxiques restaurants
    les servent à leurs clients!
    Mais loin derrière la nue
    leur pauvre âmette ingénue
    dit sa muette chanson
    au Paradis-des-poissons,
    une mer fraîche et lunaire
    pâle comme un poitrinaire,
    la Mer de Sérénité
    aux longs reflets argentés
    où durant l’éternité,
    sans plus craindre jamais les
    cormorans et les filets,
    après leur mort nageront
    tous les bons petits poissons!
    Sans voix, sans mains, sans genoux,
    sardines, priez pour nous!

    Georges Fourest, La négresse blonde.
    Éd. José Corti.


    Rêverie au bord de l’eau.

    Au bord de l’eau verte, les sauterelles
    Sautent et se traînent,
    Ou bien sur les fleurs de carotte frêles
    Grimpent avec peine.
    Dans l’eau tiède filent les poissons blancs,
    Auprès des arbres noirs
    Dont l’ombre sur l’eau tremble doucement
    Au soleil du soir.
    Les moucherons minces volent sur l’eau
    Sans changer de place.
    En se croisant ils passent, puis repassent,
    Vont de bas en haut.
    Je tape les herbes avec une gaule
    En réfléchissant.
    Et le duvet des pissenlits s’envole
    En suivant le vent.

    Francis Jammes, De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.
    Mercure de France.


    Printemps


    Il fait clair, il fait gai sur les bourgeons velus,
    Il fait beau — voilà tout.

    Je m’étire, j’étends mes bras au bon soleil
    Pour qu’il les dore comme avant, qu’ils soient pareils
    Aux premiers abricots dans les feuilles de juin.

    L’herbe ondule au fil du chemin
    Sous le galop du vent qui rit
    Les pâquerettes ont fleuri.

    Je viens! je viens! Mes pieds dansent tout seuls
    Comme les pieds du vent rieur.
    Comme ceux des moineaux sur les doigts du tilleul.

    Sabine Sicaud, Poèmes.
    Stock.


    Marine

    L’Océan sonore
    Palpite sous l’œil
    De la lune en deuil
    Et palpite encore,

    Tandis qu’un éclair
    Brutal et sinistre
    Fend le ciel de bistre
    D’un long zig-zag clair,

    Et que chaque lame,
    En bonds convulsifs,
    Le long des récifs
    Va, vient, luit et clame,

    Et qu’au firmament,
    Où l’ouragan erre
    Rugit le tonnerre
    Formidablement.

    Paul Verlaine, Poèmes saturniens.



    Bouche de la fontaine
    Bouche de la fontaine, ô bouche généreuse, disant inépuisablement la même eau pure.
    Masque de marbre devant la figure
    de l’eau ruisselante. Et d’en arrière

    les aqueducs s’en viennent. De loin.
    Longeant les tombes, des pentes de l’Apennin
    ils t’apportent ce chant qu’ensuite
    laisse couler ton vieux menton noirci

    dans l’auge ouverte. Oreille endormie,
    oreille en marbre dans laquelle
    tu murmures toujours...

    Oreille de la terre. Elle ne parle donc
    jamais qu’à elle-même? Et quand s’interpose la cruche,
    il lui semble que tu l’interromps.

    Rainer Maria Rilke, Les sonnets à Orphée.


    L’anguille

    L’anguille, cette sirène
    des océans glacés, délaissant la Baltique
    pour rejoindre nos mers,
    et puis nos estuaires, et puis nos fleuves,
    qu’elle remonte par les fonds, contre la crue adverse,
    de branche en branche et puis,
    plus minces encor, de ru en ru,
    toujours plus loin, toujours plus près du cœur
    du rocher, s’insinuant
    dans la boue des noulets, jusqu’au jour où
    la lumière décochée par les châtaigniers
    allume leur éclair dans l’eau morte des mares,
    dans les dalots qui dévalent
    des hauteurs des Apennins à la Romagne;
    l’anguille, torche, fouet,
    flèche d’amour sur terre,
    que seules nos ravines ou les gaves
    asséchés des Pyrénées ramènent
    à des paradis de fécondation;
    l’âme verte qui cherche
    la vie où mord
    seule l’aridité désolée,
    l’étincelle qui révèle
    que tout commence quand tout paraît
    se consumer, brindille ensevelie;
    iris fugitif, identique
    à celui que sertissent tes cils
    qu’intacte tu fais briller parmi les fils
    de l’homme plongés dans la boue,
    peux-tu ne pas voir en elle une sœur?

    Eugenio Montale, La Tourmente.
    Gallimard.


    Pêcheur en mer


    L’homme est en mer. Depuis l’enfance matelot,
    Il livre au hasard sombre une rude bataille.
    Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte, il faut qu’il aille,
    Car les petits enfants ont faim. Il part le soir,
    Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir.
    Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.

    La femme est au logis, cousant les vieilles toiles,
    Remmaillant les filets, préparant l’hameçon,
    Surveillant l’âtre où bout la soupe de poisson,
    Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment.

    Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
    Il s’en va dans l’abîme et s’en va dans la nuit.
    Dur labeur! tout est noir, tout est froid; rien ne luit.
    Dans les brisants, parmi les lames en démence,
    L’endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense,
    Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant,
    Où se plaît le poisson aux nageoires d’argent,
    Ce n’est qu’un point; c’est grand deux fois comme la chambre.
    Or, la nuit, dans l’ondée et la brume, en décembre,
    Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant,
    Comme il faut calculer la marée et le vent!
    Comme il faut combiner sûrement les manœuvres!
    Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres;
    Le gouffre roule et tord ses plis démesurés
    Et fait râler d’horreur les agrès effarés.

    Lui songe à sa Jeannie, au sein des mers glacées,
    Et Jeannie en pleurant l’appelle; et leurs pensées
    Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du cœur.

    Victor Hugo, Les Pauvres Gens. La Légende des Siècles.



    J’ai toujours habité

    J’ai toujours habité de grandes maisons tristes
    Appuyées à la nuit comme un haut vaisselier
    Des gens s’y reposaient au hasard des voyages
    Et moi je m’arrêtais tremblant dans l’escalier
    Hésitant à chercher dans leurs maigres bagages
    Peut-être le secret de mon identité
    Je préférais laisser planer sur moi comme une eau froide
    Le doute d’être un homme. Je m’aimais
    Dans la splendeur imaginée d’un végétal
    D’essence blonde avec des boucles de soleil
    Ma vie ne commençait qu’au delà de moi-même
    Ébruitée doucement par un vol de vanneaux
    Je m’entendais dans les grelots d’un matin blême
    Et c’était toujours les mêmes murs à la chaux
    La chambre désolée dans sa coquille vide
    Le lit-cage toujours privé de chants d’oiseaux
    Mais je m’aimais ah! je m’aimais comme on élève
    Au-dessus de ses yeux un enfant de clarté
    Et loin de moi je savais bien me retrouver
    Ensoleillé dans les cordages d’un poème.

    René-Guy Cadou, Hélène ou le règne végétal.
    Seghers.

    « Si l'on gardait... (Charles Vildrac)Mareuil, Goupil, Au Pays des Contes (CE2) »

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