Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Georges Banet (Frédéric Mistral)

 

♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦

Auteur : Frédéric Mistral (1830-1914).

Niveau : Niveau 3 (CE2).

Manuel : Giraudin, Vigo, L'Oiseau-Lyre CE2.

 

Georges Banet

Télécharger « 15 FREDERIC MISTRAL - Georges Banet.doc »

Télécharger « 15 FREDERIC MISTRAL - Georges Banet.pdf »

 

I Un fameux nigaud

 

1 Il y avait une fois un niais nommé Georges Banet. Sa mère l'envoya chercher des aiguilles.

Georges Banet va acheter les aiguilles. Quand il les a achetées, il s'en retourne chez lui en les portant à la main. Mais, en passant près d'un pailler, il voit un oiseau qui s'était pris dans un lacet.

« Oh ! le bel oiseau, dit-il ; il faut que je l'attrape. »

 

2 Pour se débarrasser, il plante dans le pailler les aiguilles qui le gênent. Puis, quand il a pris l'oiseau, il vient chercher ses aiguilles : Cherche !... tu peux chercher !... Il ne les trouve plus.

« Ma mère me gronderait, dit-il ; oh ! il faut absolument que je les trouve !»

Et que fait le nigaud ? Il met le feu au pailler pour chercher les aiguilles dans les cendres... Mais, vous pensez bien qu'il ne les trouve pas !

« Ah ! bêta ! lui cria sa mère... Avoir brûlé un pailler pour chercher deux sous d'aiguilles ! Ne pouvais-tu pas les piquer dans ta manche ?... Tiens, va faire affûter le soc de la charrue. »

 

3 Georges Banet va chez le maréchal-ferrant ; et, une fois le soc affûté, savez-vous ce qu'il fait ? Il le pique dans sa manche : vous imaginez qu'elle déchirure cela fit...

« Ah ! idiot, lui cria sa mère... Avoir déchiré ta belle veste en y piquant le soc ! Ne pouvais-tu pas le porter sur ton épaule ?... Va, gros dégourdi, va chercher le porc qui est là-bas dans les guérets... »

 

4 Georges Banet s'en va chercher le porc ; et, alors, se rappelant les paroles de sa mère, il le charge sur l'épaule, une jambe deçà, une jambe delà. Mais voilà le porc, le long du chemin, qui lui mange l'oreille...

« Ah ! graine de sot ! lui cria sa mère... S'être fait manger l'oreille par le porc ! Pourquoi ne le traînais-tu après toi !...

Alors, tu ne sauras jamais rien faire ?... Marche, gros âne ; va-t'en chez la voisine, lui emprunter son chaudron pour faire la lessive. »

 

5 Georges Banet court chez la voisine et, quand il a le chaudron, il l'attache avec une corde, et patatin ! et patatan ! il traîne le chaudron tout le long du chemin ...Vous pouvez penser s'il lui fit des bosses !

« Ah ! nigaud ! lui cria sa mère, il n'est personne qui soit aussi bête ! Je ne peux plus avoir confiance en toi ; tu me ferais devenir folle. Va-t'en où tu voudras ! »

 

II Complètement ruinés !

 

1 Il fallait pourtant faire les commissions, et la nuit s'avançait.

« Georges Banet, lui dit sa mère, vois-tu, je vais acheter un peu de poivre ; toi, surveille la lessive et mets de l'eau dessus quand il le faudra.

— C'est entendu, ma mère ! »

Voici donc mon Georges qui s'occupe de la lessive. Tout en attisant le feu, tout en versant de l'eau bouillante sur le linge, Georges Banet a soif. Il prend donc le pichet et va chercher du vin.

Georges Banet (Frédéric Mistral)

2 Mais, pendant qu'il est au cellier, il entend le chaudron qui déborde. Il court vivement pour ôter l'eau, et — l'idiot ! — il laisse ouvert le robinet ! Quand il revient au cellier, le tonneau est vide...

« Ah! mon Dieu! dit le pauvre diable, cette fois ma mère m'assomme ! Il faut cacher ce que j'ai fait. »

Aussitôt fait que dit : il prend le sac de farine et le verse — patatras ! — sur la mare de vin.

 

3 Mais la poule couveuse faisait : « Clou-clou! Clou-clou! »

« Ah! mauvaise bavarde ! lui dit Georges Banet, tu le diras à ma mère? Tiens, voilà pour ta langue ! »

Et zou ! au hasard, lui jetant la serpe, il trancha le cou à la poule.

« Aïe ! aïe ! aïe ! » Et maintenant, qui couvera les œufs ? Il n'y qu'une chose à faire, dit le nigaud, c'est de me mettre dessus. Et mon Georges Banet s'accroupit sur les œufs.

La mère, enfin, arrive.

— Georges, Georges, où es-tu ?

— Je suis ici, mère, je couve...

— Et comment se fait-il que tu couves ?

— Eh bien ! parce que, mère, j'ai tué la poule...

— Tu as tué la poule ! Et pourquoi l'as-tu tuée ?

— Parce qu'elle voulait vous dire, mère, que j'ai gaspillé la farine.

— Tu as gaspillé la farine, monstre ! Et pourquoi l'as-tu gas­pillée ?

— Mère, pour couvrir la mare du vin, car j'ai vidé le ton­neau.

— Tu as vidé le tonneau? Oh ! brigand, traître ! Mon Dieu, quelle misère! Nous sommes complètement ruinés ! Il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer ! Il ne nous reste plus qu'à prendre une besace et aller, de porte en porte, demander notre pain ! »

 

III De l'argent à poignées

 

Se voyant ruinée, la mère affolée sort et, les mains sur la tête, part à travers champs. Georges Banet la suit, tête basse.

Or, il est déjà nuit, et on n’y voyait guère :

« Tire la porte, au moins, bon à rien ! »

Georges alors s'en retourne, arrache la porte de ses gonds, la charge sur le dos, et court après sa mère.

« Mais, lui dit-elle, quand elle se tourne, tu as arraché la porte !

 

2 — Vous m'aviez bien dit de la tirer...

— Ah ! garnement, que le bon Dieu te patafiole !... »

Et — marche... tu marcheras ! —, quand ils ont marché peut-être une heure, ils entendent parler des hommes devant eux :

« Georges ! fait la femme effrayée, grimpons vite sur cet arbre, car ce sont peut-être des voleurs ! »

Vite, ils montent sur l'arbre, Georges Banet, sa mère et, aussi, la porte.

Georges Banet (Frédéric Mistral)

3 Les voleurs — car c'en était —, les voleurs, justement, s'arrê­tèrent sous les arbres pour compter leur argent et faire leur cuisine. Ils allument du feu, ils mettent leur marmite sur trois pierres, et commencent à partager leur butin.

Mais, au bout d'un moment, Georges Banet dit à sa mère :

« Mère, la porte m'échappe !

— Tiens-la bien, misérable, ou nous sommes perdus !

— Je ne puis plus la tenir ! »

 

4 Tout à coup, brouf ! la porte tombe là-bas, au milieu des voleurs, des voleurs épouvantés qui se sauvent au diable, croyant que le ciel tombe...

Vite, Georges Banet descend avec sa mère. À poignées, ils ramassent les écus et les belles pistoles, et les louis doubles; et, quand ils en eurent assez, qu'ils n'en purent plus porter, ils retournèrent bien contents à leur maison...

 

(Adapté de FRÉDÉRIC MISTRAL, Nouvelle Prose d'Almanach,

Bernard Grasset)

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article