• Le grand Savant - Jean Macé (Contes du Vieux Château)

    Auteur : Jean Macé

    Recueil : Contes du petit château (1862).

    Niveau : 4.

    Genre : Conte.

    Document proposé par Littérature au primaire.

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    LE GRAND SAVANT

    (Jean Macé, Contes du Petit-Château)

     

    Il y avait une fois un petit garçon qui était toujours le premier à l’école. Prix de grammaire, prix d’arithmétique, prix d’histoire, prix de géographie, il les avait tous. Quand venait la distribution des prix, il s’en retournait à la maison avec toute une pile de livres sous le bras, et la tête chargée de tant de couronnes, qu’on ne la voyait presque plus. Aussi les gens se retournaient dans la rue pour le regarder passer; et le lendemain, au marché, la bonne parlait avec enthousiasme de son jeune maître, qui était déjà un grand savant. Tout cela, il faut le dire, enflait bien un peu le pauvre petit, et il s’habituait tout doucement à prendre une haute idée de sa personne.

    Il avait pour voisine une petite fille qui venait souvent jouer avec lui. Elle n’avait pas autant de facilité pour apprendre ; mais c’était une bien gentille enfant, aimable et douce avec tout le monde, obéissante avec ses parents, et qui tous les soirs avant de se coucher, priait le bon Dieu de tout son coeur de la rendre sage et bonne. Notre grand savant commença bientôt à la regarder du haut de sa grandeur. Il s’avisa un beau jour qu’une petite ignorante comme elle était peu de chose pour lui, et qu’il conviendrait pourtant de s’assurer de ce qu’elle savait avant de lui continuer l’honneur de sa compagnie. La chère enfant était donc venue le chercher pour lui montrer un beau livre d’images qu’elle avait reçu de sa marraine, il l’accueillit avec un petit air digne et froid qu’elle ne lui avait jamais vu.

    — Mademoiselle, lui dit-il, je ne demande pas mieux que d’aller avec vous; mais auparavant je désirerais savoir si vous êtes en état de convertir une fraction ordinaire en fraction décimale.

    Elle se mit à rire.

    — Oh ! je n’en suis pas encore là. Je vais bientôt commencer la division.

    — Il ne s’agit pas de rire : je parle sérieusement. Vous me direz bien au moins la différence qui existe entre une proposition principale relative et une proposition principale absolue ?

    — On nous l’a dit l’autre jour en classe ; mais je ne me le rappelle plus.

    — Fort bien. Il est probablement inutile de vous demander en quelle année Rome a été fondée ?

    — Quelle drôle de question ! Tu sais bien que je viens seulement de commencer l’histoire des Égyptiens.

    — De mieux en mieux. Je parierais presque que vous ne sauriez pas même me nommer les départements du bassin de la Loire ?

    Elle demeura muette. Ses connaissances géographiques ne s’étendaient pas encore jusqu’au bassin de la Loire.

    — Mon Dieu ! dit-elle enfin après un moment de silence à son sévère examinateur, qu’as-tu donc aujourd’hui ? Laissons tout cela, nous ne sommes pas en classe, et viens voir mon livre d’images. Tu y trouveras toutes sortes de jolis contes qui te feront bien plaisir.

     


     — Ma chère enfant, fit-il alors d’un ton protecteur le plus plaisant du monde, d’abord les contes de fées ne m’intéressent plus guère. Vous comprendrez ensuite que j’en sais maintenant trop long pour vous. Il n’est plus convenable qu’on nous voie ensemble.

    La pauvre petite ne put trouver d’autre réponse que de se mettre à pleurer, car elle aimait sincèrement son voisin le savant, et il lui semblait bien dur de le perdre à cause du bassin de la Loire et de la proposition principale absolue.

    Comme elle le regardait d’un œil suppliant, ne pouvant se résoudre à s’en aller sans lui, sa marraine entra tout à coup.

    C’était une vieille dame très respectable, et pleine de mérite, bien qu’elle fût peu connue ; mais cela ne vous étonnera pas, quand je vous aurai dit son nom : elle s’appelait la fée Modeste. Elle n’aimait pas beaucoup ces distributions de prix d’où les petits enfants s’en vont avec des couronnes de laurier sur la tête, tout fiers et triomphants, comme des généraux victorieux. Pourtant elle ne voulait rien dire, car si la modestie est une belle chose, ce n’est pas une arme suffisante dans la bataille de la vie, et il faut aussi mettre dans les enfants le germe de l’ardeur et de l’émulation, si l’on veut en faire des hommes. Elle les laissait donc aller sous leurs lauriers, sachant bien que la modestie viendrait toute seule à ceux qui seraient forts un jour. Quant aux autres, elle pensait qu’il y aurait cruauté à leur enlever la petite gloriole qui devait être leur fiche de consolation.

    Le chagrin de sa chère filleule l’avait cependant touchée ce jour-là, et elle venait pour corriger le vilain orgueilleux qui faisait couler ses larmes.

    — Tu ne sais donc rien, ma chère enfant ? dit-elle à la petite fille. Eh bien ! sauras-tu me dire ce qu’il faut faire pour bien vivre ?

    — Oh ! marraine, cela n’est pas difficile. Il faut obéir au bon Dieu, et être bon comme lui avec tout le monde. C’est déjà quelque chose ; mais je conçois que cela ne suffise pas pour aller de pair à compagnon avec un garçon aussi savant.

    — Venez avec moi, mon ami, continua-t-elle en se tournant vers le petit garçon. Vous en savez trop long, c’est vrai, pour fréquenter les petites filles. Ce qui vous convient maintenant, c’est la société des savants et des écrivains.

    Disant cela, elle le prit par la main, et il se trouva subitement transporté dans une des salles de l’Observatoire, où un homme de tournure imposante était assis à une longue table devant un amas de papiers couverts de chiffres. Celui-là était vraiment un grand savant. Il avait travaillé à la mesure de la terre, un travail bien autrement difficile que toutes les règles de trois. Il avait suivi dans sa marche la lumière qui fait 72 000 lieues par seconde, et avait calculé ce qu’il lui faut d’années pour nous arriver des étoiles qui sont nos plus proches voisines. Il pesait, la plume à la main, le soleil et la lune comme avec une balance, et trouvait d’avance par ses calculs le chemin que devaient suivre les corps célestes à travers les espaces infinis qui nous entourent.

    La fée Modeste l’ayant salué, il lui sourit amicalement, et lui rendit son salut comme à une personne de connaissance.

    — Bonjour, maître, dit-elle. Voici un savant que je vous amène pour faire conversation avec vous.

    Le grand homme n’avait pas de plaisir plus vif que de communiquer sa science à qui le désirait. Il tendit la main au petit garçon.

    — Je vous fais mon compliment, lui dit-il. Savant, à votre âge ! C’est très beau. Voulez-vous m’aider à trouver une comète que nous attendons depuis un mois ? Je cherche en ce moment ce qui a pu la retarder en route. Nous chercherons ensemble.

    Chercher les comètes, c’était un peu trop fort pour notre écolier, qui n’était pas allé plus loin que la règle d’intérêt. Il déclina en rougissant la proposition.

    — Eh bien ! nous traiterons une question d’optique, ou d’acoustique, ou d’hydrostatique, à votre choix.

     


    Le pauvre enfant tout épouvanté ne savait plus où se cacher.

    — Vous connaissez au moins les logarithmes ?

    Il répondit, en retenant une envie de pleurer, qu’il ne connaissait pas ces bêtes-là, mais qu’il pourrait bien convertir une fraction ordinaire en fraction décimale.

    Le vrai savant regardait la fée Modeste d’un air étonné, et il allait lui demander quelle espèce de savant elle lui avait amené là; mais elle ne lui laissa pas le temps de parler.

    — Maître, dit-elle, il y a une petite fille qui dit que pour bien vivre il faut obéir au bon Dieu, et être bon comme lui avec tout le monde. En savez-vous plus long qu’elle là-dessus?

    — A Dieu ne plaise que j’aille m’en vanter ! Elle a dit tout ce qu’il y avait à dire, la chère petite.

    — Allons-nous-en d’ici, fit la fée à son compagnon. Il n’y fait pas bon pour vous.

    Aussitôt ils entrèrent dans une vaste maison qui était habitée par un grand historien. De la cave au grenier, on ne voyait partout que livres rangés en ordre de bataille sur des planches qui avaient été clouées aux murs à toutes les places possibles. Il y en avait de si gros qu’un seul aurait fait la charge d’un homme. Il y en avait de tout petits, à mettre dans la poche du gilet. On voyait là des échantillons de toutes les couvertures de livres inventées par les relieurs depuis qu’ils ont des livres à relier, jaunes, rouges, blanches, noires, de toutes les couleurs, en parchemin, en veau, en bois sculpté, en cuir gaufré, en maroquin à filets dorés, avec des fermoirs en argent. Il y avait même de ces vieux livres du temps des Romains, faits d’une longue bande d’écorce préparée qui s’enroule aux deux bouts sur deux gros rouleaux de bois. On tourne les rouleaux en sens inverse, à mesure qu’on avance dans la lecture ; et ceux qui ont lu dans ces livres-là peuvent se vanter d’être savants.

    Ils passèrent d’abord dans une grande salle, consacrée à l’histoire des Égyptiens, des Phéniciens, des Babyloniens et des Perses, et, pour lire les livres qui étaient là-dedans, le propriétaire des livres avait dû apprendre l’hébreu, l’arabe, le persan ancien et moderne, et bien d’autres langues encore dont j’ai oublié les noms. Il savait déchiffrer les hiéroglyphes qu’on trouve sur les obélisques d’Égypte, cela va sans dire; mais tout cela ne lui suffisait pas encore et il ne pouvait pas se consoler de n’avoir pas appris le chinois. Venait ensuite la salle de l’histoire grecque, et naturellement l’historien savait le grec ; puis la salle de l’histoire romaine, et je n’ai pas besoin de vous dire qu’il savait le latin, non pas seulement le latin qu’on apprend dans les collèges, mais aussi le vieux latin des premiers temps de Rome, où le plus fort élève de rhétorique ne voit pas plus goutte que s’il n’avait touché de sa vie un dictionnaire latin. On apercevait de là toute une enfilade d’autres salles consacrées chacune à l’histoire d’un peuple, et il y en avait tout autant aux étages supérieurs. Ils n’allèrent pas plus loin. L’historien était dans la salle de l’histoire romaine, absorbé par un gros livre allemand qu’un autre aurait peut-être trouvé bien ennuyeux, mais qui devait l’intéresser bien vivement, car il ne s’aperçut de leur présence que quand ils furent tout à fait sur lui.

    Confondu à la vue de tant de livres, le pauvre garçon avait supplié la fée de ne pas le présenter comme un savant, lui qui n’avait encore dans sa petite tête que l’imperceptible manuel de l’école.

    Quand le grand historien releva la tête, et qu’il aperçut la fée Modeste, il jeta son livre et lui tendit les mains avec empressement comme à une vieille amie.

    — Soyez la bienvenue, s’écria-t-il ; je ne sais que trop combien j’ai besoin de vous.

    — Maître, dit-elle, voici un petit garçon qui n’est pas encore un savant; mais il sait pourtant en quelle année Rome a été fondée.

    Il sourit doucement.

    — Êtes-vous bien sûr de l’année, mon petit ami?

    — Oh oui ! bien sûr : j’ai récité hier toute la page sans faire une seule faute.

    — Eh bien ! vous êtes plus savant que moi, car je n’en suis pas tout â fait sûr. Il y a même des gens qui, à force d’étudier, sont arrivés à prétendre que Romulus n’a jamais existé ; mais je crois qu’ils vont trop loin.

    Et comme la figure de l’enfant exprimait une profonde stupéfaction, il étendit la main vers cette montagne de livres qui s’élevait jusqu’au plafond de la salle.

    — Si vous connaissiez seulement le quart des erreurs et des mensonges qui sont là-dedans, cher enfant, vous vous étonneriez moins de mes paroles. Ceux qui ne savent rien sont les seuls qui ne doutent de rien.

    — Maître, dit alors la fée, il y a une petite fille qui dit que pour bien vivre il faut obéir au bon Dieu, et être bon comme lui avec tout le monde. Doutez-vous de ce qu’elle dit là ?

    — Le ciel m’en préserve ! Il n’y a pas à douter de ce qu’elle a dit, la chère enfant.

    Le jeune savant commençait à se trouver comme on dit dans ses petits souliers.

    — Je vois bien, mon pauvre garçon, lui dit la malicieuse fée, que ces hommes-là sont trop forts pour vous. Je vais vous mener chez le plus grand écrivain de l’époque. Il vous fera moins peur, et vous pourrez causer grammaire avec lui.

    Le plus grand écrivain de l’époque était une femme. Cela paraîtra peut-être incroyable, d’autant plus que les hommes ne conviennent pas volontiers de ces choses-là. Mais cette fois ils étaient obligés d’en convenir.

    Elle reçut la fée Modeste avec une entière cordialité, dans un salon qui ressemblait à tous les salons du monde, et notre petit garçon se sentit tout à fait rassuré en se voyant en présence d’une dame très simple, qui n’avait rien de particulier que deux grands yeux noirs, avec une flamme dedans. Cependant ses deux premiers échecs l’avaient rendu timide, et il n’osait pas parler le premier.

    — Madame, commença la fée, voici un enfant qui a bien appris sa grammaire ! Il voudrait causer avec vous des règles du langage.

    La dame, qui était pleine de complaisance pour les enfants, se mit à rire.

    — C’est une conversation où je ne brillerai pas beaucoup, répondit-elle. J’écris ce qui me vient, et je ne m’occupe pas précisément des règles. Pourtant, si cela peut vous faire plaisir, mon petit bonhomme, de quoi voulez‑vous parler?

    — Je pourrais bien, dit-il, vous expliquer la différence qui existe entre une proposition principale absolue et une proposition principale relative.

    Elle se prit à rire de plus belle.

    — Quand j’étais petite, il n’était pas question de tous ces mots-là. Je ne sais pas trop ce qu’ils veulent dire, et je me passe très bien de le savoir.

    La fée intervint pour faire cesser l’embarras de l’enfant, qui ne savait plus quelle contenance garder.

    — Il y a, madame, une petite fille qui dit que pour bien vivre il faut obéir au bon Dieu, et être bon comme lui avec tout le monde. Pensez-vous qu’on puisse se passer de ce qu’elle dit là ?

    — Il y a malheureusement trop de gens qui s’en passent ; mais, d’une manière ou de l’autre, ils en sont toujours punis. Si elle était là, je l’embrasserais de bien bon cœur, la brave petite fille ! Elle a dit ce qui est nécessaire à tous.

    — Jusqu’à présent nous avons peu de bonheur, reprit la fée en s’adressant au grammairien déconfit ; mais ne nous décourageons pas encore. Il faut faire le tour de vos connaissances.

    Il se sentit sur-le-champ emporté comme par un tourbillon impétueux, et, quand il revint à lui, il était dans une grande salle, d’une architecture magnifique, avec des cartes étranges suspendues aux murs de tous les côtés.

    Il reconnaissait bien la forme générale des continents, mais il ne retrouvait plus une seule des divisions géographiques auxquelles son œil était habitué.

    — Où sommes-nous ? dit-il à la fée.

    — Au centre dé l’Afrique, mon cher enfant, dans le pays le plus civilisé du globe à l’heure qu’il est, et cette salle est une des salles d’école du pays. Ne vous étonnez pas trop : je vous ai emmené à deux mille ans plus loin que l’époque où vous viviez tout à l’heure. Au même instant les portes s’ouvrirent, et les écoliers entrèrent tous à la fois, les petits garçons d’un côté et les petites filles de l’autre. Il y en avait des blonds et des bruns, des roses et des pâles, des petits et des grands, des tranquilles et des tapageurs, absolument comme à présent : tous avaient la peau blanche.

    — Je croyais qu’on avait la peau noire en Afrique, dit l’enfant à la fée.

    — Il y a longtemps maintenant que la race blanche s’est emparée de toute la terre, et ce que vous avez lu dans votre livre de géographie sur les différentes races humaines ne signifie plus rien aujourd’hui.

    Le maître entra à son tour. C’était un homme de haute taille, richement habillé, avec deux décorations sur la poitrine, car l’emploi de maître d’école était un des plus honorables qu’on connût dans ce pays-là, et les hommes du plus grand mérite accouraient en foule quand il se trouvait une place vacante. Les candidats faisaient chacun une classe l’un après l’autre, et c’étaient les enfants qui choisissaient.

    La classe commença, et notre petit garçon, qui s’attendait à ne rien comprendre, fut tout étonné de voir que le maître parlait français. Il est vrai qu’il n’en fut pas beaucoup plus avancé. Tous les noms étaient changé, et l’on citait des grandes villes, des fleuves célèbres, des contrées florissantes dont il n’avait jamais entendu parler.

    La fée Modeste, qui vit son anxiété, prit la parole :

    — Maitre dit-elle, est-ce que vous n’apprenez pas à ces enfants-là les départements du bassin de la Loire ?

    Le maitre, qui était un homme de mérite, s’inclina devant la fée Modeste car c’est l’usage des hommes de mérite de tous les temps.

    — J’ai vu ce nom de Loire, dit-il, dans un très-vieux livre de géographie, rempli d’erreurs, et où se trahit bien toute l’ignorance du temps, car il ne s’y trouve absolument rien sur le grand pays que nous habitons. Mais il y a longtemps que les départements dont vous me parlez n’existent plus. Tout ce pays s’est affaissé lors du grand tremblement de terre de 2500, et les poissons se promènent maintenant au-dessus des chefs-lieux des anciens départements.

    — Et vous, mon enfant, reprit la fée en s’adressant à une petite fille qui suivait la leçon avec toute l’attention dont elle était capable, pourriez-vous me dire ce qu’il faut faire pour bien vivre ?

    Il faut, répondit l’enfant, obéir au bon Dieu, et être bon comme lui avec tout le monde.

     


    Elle avait à peine fini .de parler que notre savant se retrouva dans sa chambre, avec la fée, devant sa petite amie dont le regard le suppliait toujours.

    Ne trouvez-vous pas maintenant, mon cher monsieur, dit la fée, que sa science vaut bien la vôtre? Vous avez pu mesurer vous-même la valeur de ce que vous savez, et ceux devant qui vous n’êtes rien s’inclinent respectueusement devant ce qu’elle sait. Personne n’en sait plus long qu’elle là-dessus, personne n’en doute, personne ne peut s’en passer ; et cela n’aura pas bougé d’une ligne dans deux mille ans d’ici.

    — Alors, reprit le petit garçon avec un peu de mauvaise humeur, je n’ai plus besoin de me donner tant de peine à l’école, puisque c’est là le cas qu’il faut faire de ce qu’on y apprend.

    — Ah ! le petit scélérat, dit la fée en riant, je savais bien qu’il en viendrait là! Non, mon enfant, il ne faut pas raisonner ainsi. Ces hommes dont la science vous a effrayé n’en savaient pas plus long que vous quand ils avaient votre âge. S’ils n’avaient pas travaillé alors comme vous le faites, ils ne sauraient rien aujourd’hui, et c’est seulement en continuant de bien apprendre que vous pourrez un jour devenir savant comme eux. Cette dame, qui ne connaît pas les mots que vous avez appris, en avait appris d’autres qui disaient la même chose, et qui valaient peut-être mieux. Ce n’est pas enfin une raison pour ne pas étudier la terre que vous habitez, parce qu’elle doit changer après vous. Tous vos amis changeront, et vous aussi; cela dit-il vous empêcher de vivre maintenant en camarade ? J’ai voulu seulement vous montrer que vous aviez tort d’être si fier de votre pauvre petite science, et surtout de la mettre au-dessus de la science des bons cœurs, la seule qu’on ne puisse dépasser, la seule certaine, la seule nécessaire, la seule qui ne change jamais. Embrassez ma filleule, et allez voir ses images : vous l’avez bien gagné.

    Le petit garçon embrassa la petite fille, qui le serra tendrement dans ses bras; il alla voir les images, qui lui plurent infiniment ; il lut les contes, qui lui apprirent toutes sortes de choses dont il ne se doutait pas ; et plus tard, quand sa bonne répétait devant lui qu’il était un grand savant, il se disait en lui-même qu’il n’y a qu’une seule science, la même pour les petits et les grands : Obéir au bon Dieu, et être bon comme lui avec tout le monde.

     

     

      

     

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