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Le petit cochon rose (Félix Timmermans)
Il y a très, très longtemps, les animaux étaient tout nus. « Il faudrait tout de même les habiller pour qu'ils n'aient pas froid », se dit un jour le Prince de la forêt.
Auteur : Félix Timmermans (1886-1947).
Niveau : Niveau 3 (CE2).
Manuel : Giraudin, Vigo, L'Oiseau-Lyre CE2.
Le petit cochon rose
I – Il faut habiller les animaux
1 Il y a très, très longtemps, les animaux étaient tout nus. « Il faudrait tout de même les habiller pour qu'ils n'aient pas froid », se dit un jour le Prince de la forêt.
Il fit tinter une clochette, et aussitôt deux serviteurs apparurent. Ils tenaient chacun la poignée d'un grand panier d'osier contenant des fourrures magnifiques. Il y en avait des brunes, des rousses, des noires, des tigrées, et aussi des plumages multicolores, et des écailles vertes et lisses. Sagement alignés, les animaux attendaient leur tour.
2 Or, le petit cochon rose était impatient. Il se dit : « Je ne suis que le six cent trente-troisième à passer, j'ai bien le temps de faire un petit tour. » Et il trotta vers la forêt.
Qu'il faisait bon sous les grands arbres, dans l'ombre fraîche ! De joie, le petit cochon se roula dans la mousse tendre. Et que de bonnes choses à manger !...
3 Le petit cochon gourmand se régala en grognant de plaisir. Lorsqu'il eut bien mangé, il poussa un soupir de satisfaction et s'étendit au pied d'un arbre pour y faire un petit somme.
Il ne se réveilla qu'au coucher du soleil, beaucoup, beaucoup plus tard. Il sortit de la forêt, car il commençait à faire frais, et il se réjouit à la pensée de la jolie fourrure que le Prince de la forêt lui avait certainement préparée.
4 Sur le chemin du retour, il rencontra de nombreux animaux revêtus de pelages magnifiques : le mouton portait un vêtement de laine blanche toute bouclée, l'âne une tunique grise.
Le lion secouait fièrement sa splendide crinière fauve; la vache était tachetée de brun et de blanc et le tigre se promenait dans un manteau rayé de noir et d'or, dont les coutures étaient si bien faites que chaque côté semblait pareil !
5 L'épagneul portait de jolis cheveux roux qui retombaient en boucles sur ses épaules. La chèvre possédait une barbiche de professeur de mathématiques, et le coq s'ornait de plumes multicolores. Les plus beaux étaient les oiseaux !
II – Le plus joli de tous les animaux
1 Le petit cochon rose resta bouche bée devant cette féerie de couleurs.
Il se mit à courir de toutes ses pattes pour trouver lui aussi une belle parure.
Il arriva, essoufflé, mais hélas ! le Prince de la forêt avait terminé son travail et se préparait à repartir avec ses deux serviteurs.
Le grand panier d'osier était vide !
2 Le Prince de la forêt leva les bras au ciel lorsqu'il vit le petit cochon rose tout nu.
- Qu'allons-nous faire ? Je n'ai plus rien à te donner, petit cochon rose, tu viens trop tard. Ah ! Pourquoi es-tu sorti des rangs ? »
Le petit cochon éclata en sanglots. Il pleura tant et si fort que son groin s'allongea et qu'on ne voyait plus ses yeux. Comme il avait de la peine !
3 Le Prince de la forêt était désolé. Il aurait bien aimé consoler le petit cochon, surtout maintenant qu'il devenait si laid.
- Me voilà nu comme un ver, gémissait le petit cochon; je suis le plus vilain des animaux ! »
Le Prince de la forêt tira sur sa belle barbe blonde tellement il était ennuyé ! Une boucle dorée lui resta entre les doigts et, en la regardant, il eut une idée.
4 « Voilà ce qu'il faut ! » pensa-t-il en voyant la petite queue raide du cochon rose qui pendait bien tristement. « Viens par ici. »
Saisissant un fer à friser, il le chauffa à une étoile, qui brillait dans le ciel. Puis il boucla la petite queue raide et en fit une ravissante anglaise en tire-bouchon.
- C'est tout ce que je peux faire, dit le Prince de la forêt, je ne peux tout de même pas boucler tes oreilles ! »
5 Le petit cochon rose regarda sa queue en tire-bouchon et la trouva si jolie qu'il bondit de joie en gloussant de plaisir.
- Oh ! merci, s'écria-t-il, maintenant je suis le plus joli de tous les animaux! »
Et il s'en alla en se dandinant fièrement pour que tous puissent admirer sa belle queue bouclée.
(D'après FÉLIX TIMMERMANNS,
recueilli dans CONTES DES QUATRE SAISONS, Les Deux Coqs d'or)
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