• 4 histoires de Poum (Paul et Victor Margueritte)

    4 histoires de Poum (Paul et Victor Margueritte)

    Poum est un petit garçon de six ou sept ans. S'il a une très gentille cousine Mad, il a aussi un cousin, Step, de treize ans, qui lui joue bien des tours.

    Ce matin-là, Poum est seul avec Step — et le grand cousin se montre depuis un moment très inquiétant.

     

    Tout à coup, Step parla :

    « Poum ! déclara-t-il... Poum ! reprit-il après un court silence... Poum ! je meurs de faim ! »

    Il montra ses dents en roulant les yeux comme un cannibale :

    « Poum !... Je pense que vous n'êtes pas bien gras, je pense que vous devez être coriace, je pense que j'aimerais mieux manger un lapin, ou une dinde, ou un cochon de lait. Mais comme je n'ai ni cochon de lait, ni dinde, ni lapin sous la main, je vais vous manger, Poum !... »

     

     

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    Auteurs : Paul et Victor Margueritte.

    Niveau : Niveau 3 (CE2).

    Manuel : Giraudin, Vigo, L'Oiseau-Lyre CE2.

     

    Poum

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    4 histoires de Poum (Paul et Victor Margueritte)

     

    I Cousin Step veut manger Poum

     

    Poum est un petit garçon de six ou sept ans. S'il a une très gentille cousine Mad, il a aussi un cousin, Step, de treize ans, qui lui joue bien des tours.

    Ce matin-là, Poum est seul avec Step — et le grand cousin se montre depuis un moment très inquiétant.

     

    1 Tout à coup, Step parla :

    « Poum ! déclara-t-il... Poum ! reprit-il après un court silence... Poum ! je meurs de faim ! »

    Il montra ses dents en roulant les yeux comme un cannibale :

    « Poum !... Je pense que vous n'êtes pas bien gras, je pense que vous devez être coriace, je pense que j'aimerais mieux manger un lapin, ou une dinde, ou un cochon de lait. Mais comme je n'ai ni cochon de lait, ni dinde, ni lapin sous la main, je vais vous manger, Poum !... »

     

    2 Poum devint pâle, et ses jambes tremblaient : il avait beau se dire : « Ce n'est pas vrai ! c'est pour rire ! » il avait peur tout de même.

    Cousin Step continua :

    « Seulement, comment vais-je vous manger, Poum? là est la question ! Haché menu et trempé dans la saumure ? Dépecé en quartiers frits à la poêle ? bouilli dans la marmite ou salé au court-bouillon ? Et à quelle sauce ? mayonnaise, tomates, oignons, vinaigrette ? Sur une purée de fèves, peut-être, ou plutôt... Eh ! oui, qui sait ?... les pommes de terre sont si bonnes en ce moment que... Non, décidément, Poum, je vous mangerai comme un agneau, rôti à la broche ! »

     

    3 Et, ce disant, Step bondit sur lui et en une seconde l'emporta, ligoté et ficelé comme un saucisson, devant le feu de la cuisine :

    « Là; je vous embrocherai tout à l'heure; en attendant, un petit air de feu vous attendrira, et je vais toujours préparer la table. Ne pleurez pas, Poum, je vous prie, — car la victime com­mençait à sangloter tout bas — ne pleurez pas, vous pourriez éteindre le feu ! »

     

    4 Et Step mit la nappe sur la table, disposa à grand bruit les assiettes, se coupa une tranche de pain large comme une roue de voiture, se versa en clapant la langue un litre de vin dans un verre immense, gagné à la foire et qui était large comme un pot à fleurs. Puis, décrochant sa montre de son gilet, il sembla calculer le temps que prendrait la cuisson, et, ayant été retourner Poum qui commençait à devenir très rouge, il s'assit, les jambes croisées, et se mit à se parler :

     

    5 « Ai-je si faim que cela ? se demandait Step. Peut-être pour­rais-je attendre à demain et mettre Poum en liberté ? Oui, mais il se sauverait !... Non, qu'il cuise ! Je vais lire mon journal en atten­dant. (Et il déployait un journal, s'arrêtait :) Ai-je bien le droit de manger ce petit Poum, qui est si gentil, qui aime tant les prunes et les confitures ? (Il prenait une voix terrible :) Oui, oui, j'en ai le droit, car il m'a volé l'autre semaine vingt-six mou­choirs de poche et une somme de trois mille francs que je pos­sédais en timbres-poste. Allons, finissons-en, et que je l'em­broche ! »

    Là, Poum poussa des cris si aigus et si épouvantables que toute la maison en émoi s'agita, dans un bruit de portes et de fenêtres ouvertes. Le méchant Step soudain disparut, s'envola par la croisée ; et cousine Mad s'élança dans la pièce au secours de Poum affolé.

    « C'était pour rire ! » dit cousine Mad au petit Poum, en lui donnant un sucre d'orge pour le consoler, et en l'entraînant au jardin, dans la direction des prunes.

     

    4 histoires de Poum (Paul et Victor Margueritte)

     

     

    II Poum à la chasse (1)

     

    Poum, toute la nuit, a rêvé de chasse. C'est dire qu'il fut heureux, quand...

     

    1 Au réveil, cousin Step entra dans sa chambre et dit : « Vite, Poum, debout ! nous allons à la chasse.

    — Tous les deux ?

    — Oui. Sa Majesté l'empereur d'Autriche devait nous accom­pagner, mais il vient de m'envoyer un télégramme pour s'ex­cuser : il a un panaris au doigt qui presse la gâchette. »

     

    2 Dieu ! que le cousin Step paraît soucieux ! il en louche, tord son nez et avale sa bouche.

    « À quoi penses-tu, Step ?

    — Je me demande, Poum, s'il est bien prudent de nous aven­turer ce matin.»

    (Pourquoi ? Il fait très beau; par la fenêtre, on voit les petites feuilles des arbres qui dansent dans le soleil. Le jardinier arrose les tulipes. Tout respire la paix et la sécurité.)

     

    3 Step examine le parc et le bois qui fait suite :

    « Je ne vois rien... J'espère, je veux espérer... peut-être ne la rencontrerons-nous pas... D'ailleurs, j'ai chargé mon fusil à balles — (il a un vrai fusil, envie et admiration de Poum) — espérons qu'Elle... est occupée autre part. Il est vrai qu'Elle court comme le vent. Elle a croqué hier le petit garçon du fermier Bauduche, tu sais, ce vilain petit joufflu qui te fait toujours la Elle l'a dévoré, miam, miam, en deux bouchées.

    — Qui, Elle ? Qui, Elle ?

     

    4 — Chut ! dit Step dont l'index s'élève en paratonnerre. Cela porte malheur de la nommer. Sache seulement, mon pauvre Poum, qu'elle a non pas une, mais sept têtes et dix cornes. On peut dire qu'elle ressemble à un léopard, bien qu'elle ait les pieds d'un ours et les pattes d'un lion. Elle crache des grenouilles, elle se nourrit de feu, et son regard est si venimeux qu'il lance la mort. Je vais te la nommer, car enfin il vaut mieux que tu la connaisses, afin de ne pas lui manquer de respect, si tu la ren­contres par hasard. Mais il se peut que son nom, rien qu'à l'entendre, te donne une rage de dents ou une colique sèche. Elle s'appelle...

    — Ne me le dis pas, Step, ne me le dis pas ! »

     

    5 Et Poum bouche ses oreilles. Mais Step, regardant de tous côtés (on voit bien qu'il n'est pas rassuré), proclame solen­nellement :

    « C'est la BÊTE ! »

    La curiosité de Poum l'emporte sur la terreur.

    « Quelle bête, Step ? »

    Step ferme les yeux, ses dents claquent, ses genoux s'entre­choquent, il bégaye :

    « LA BÊTE DE L'A-PO-CA-LYP-SE. »

    Poum reste accablé, puis timidement :

    « Si nous remettions la chasse à demain ?

    — Impossible, Poum ! Il y a du perdreau. Je le flaire. (Il renifla.) Tu vas tuer trois perdreaux, Poum, aussi vrai que tu es un homme. Car tu es un homme, n'est-ce pas ? Tu n'as pas peur ? Allons ! prends ton fusil, bois ton petit chocolat, et partons ! »

     

    III Poum à la chasse (2)

     

    Poum et Step sont maintenant au bout du parc, là où com­mence le bois. Poum vient de tirer, et Step lui fait croire qu'il a tué trois perdreaux d'un seul coup.

     

    1 « Recharge ton fusil, Poum ! Attends, mets des balles, c'est plus sûr. Je vais te le charger moi-même... Là, nous voilà prêts à tout. Mais écoute ! N'entends-tu rien ? »

    Le vent bruit, léger, dans les feuilles. Le cœur de Poum bat à grands coups, le sang lui bourdonne aux oreilles. Il lui semble que Step est pâle.

     

    2 « Tu tireras le premier, Poum, si Elle vient. Vise à la poi­trine. Il me semble que j'entends, là-bas, là-bas — (il étend le bras en se courbant contre terre) —, des pas qui glissent, qui glissent... Ce ne peut être qu'Elle. Décidément, je t'aime trop, je ne veux pas qu'elle t'avale comme le petit Bauduche. Je vais aller au-devant d'elle, j'ôterai ma casquette et je lui dirai : — Madame la Bête, dévorez-moi, si vous ne me jugez pas trop coriace, mais ne faites pas de mal à ce pauvre petit Poum. Je vais te donner ma bourse et ma montre en souvenir. Prends aussi mon mouchoir, ton nez coule. Adieu, Poum, embrasse-moi : tu diras à mes parents de faire dire une messe pour moi. Il est amer, mais glorieux, de mourir en se dévouant pour un ami !

     

    3 — Oh ! Step, ne t'en va pas, reste ici !

    — Alors, cachons-nous. Vite, vite, derrière cet arbre ! Couche-toi par terre, que je casse des branches, que je te couvre de feuilles. Ne parle pas, retiens-toi de respirer. Ferme les yeux. Oh ! Seigneur ! Elle approche. N'entends-tu pas comme Elle aiguise ses griffes sur un arbre ? »

    Step racle le chêne le plus voisin avec son couteau.

     

    4 « Elle approche, Elle approche. Ferme bien les yeux, Poum ! Elle ouvre une bouche, bon ! Voilà des grenouilles ! Oh ! comme elle en crache ! des vertes, des bleues, des noires ! — Coa, Coa! Brékekex ! Elle a sept têtes et dix cornes! Elle marche en se dandinant comme un ours, et elle bondit comme un léopard. Oh ! Poum ! Elle vient vers nous ! Elle vient ! Fais ta prière ! Ah ! elle s'éloigne! Je vais lui tirer un bon coup de fusil sous la queue.

    — Non ! oh, non ! Step ! Ne tire pas ! Elle reviendrait !

     

    5 — C'est juste, il ne faut pas l'irriter. Attention ! Il me semble qu'elle revient. Non, elle s'éloigne, décidément elle s'éloigne. Allons ! je constate que tu n'as pas eu peur. Rien qu'un peu... Veux-tu que je te laisse rentrer seul à la maison ?

    — Oh ! non, Step !

    — Alors, je dirai à tout le monde que tu es un petit peureux ?

    — Oh ! non, Step ! »

    Et Poum regarde son bourreau avec des yeux attendrissants, car il aime son supplice, il aime ses frayeurs, et il aurait voulu voir en face la Bête de l'Apocalypse, bien qu'il sache parfaitement qu'elle n'existe pas. 

     

    IV Les choux à la crème

     

    4 histoires de Poum (Paul et Victor Margueritte)

     

    Il y a eu un grand dîner à la maison, mais Poum a mangé dans sa chambre et on a oublié de lui donner sa part de choux à la crème.

    « Vous en aurez demain, il en reste », vient de lui dire Bertha, la bonne.

    Mais Poum, qui maintenant est couché, se dit que demain les choux ne seront plus aussi bons.

     

    1 Poum ne peut dormir. Il voit les choux à la crème ! Combien en reste-t-il ? Trois, quatre, sept, sur une assiette garnie de papier de dentelle, dans le bas du buffet de la salle à manger. Car c'est là qu'ils sont, accroupis, tous en rond. Qu'est-ce qu'ils se disent ?

    Penser qu'ils sont tout frais, tout délicieux encore ! Poum y a droit, pas à tous, non, mais à deux au moins, ou à trois... Qu'est-ce que ça peut bien faire, à qui cela fait-il tort, qu'il les mange ce soir ou demain ?

     

    2 Poum ne peut dormir. Cependant il est très tard. Tout le monde est couché. Quelle tentation ! Qui le verra ? Qui l'en­tendra ? Personne. Ouvrir sans bruit la porte, se couler dans l'escalier, pénétrer dans la salle à manger ; le buffet est à gauche, et la clef sur le battant... Mais que dira-t-on en s'apercevant du vol ? On accusera le chat ? Bah ! on ne remarquera rien ! Les restes de dessert ne reparaissent pas sur la table. Firmin seulement sera étonné, peut-être ? Et puis, s'il fallait s'arrêter aux petits côtés de la question...

     

    3 Deux, disons trois choux à la crème, sont-ils destinés à Poum, lui appartiennent-ils, oui ou non ? — Oui ! alors, en avant !

    « Voleur ! »

    Hein ? qui a parlé ? Y a-t-il quelqu'un dans le mur, ou sous le lit ? Un souffle, à peine, mais Poum a très distinctement entendu. Voleur, lui ! Quoi ? la prison? l'échafaud ? qu'on le fusille ?

    — Absurde... En avant ! marche !

    La serrure grince, la porte crie, l'escalier craque, la porte de la salle à manger résiste. Le buffet, la clef sur le battant, un tâtonnement; (le carreau sous ses pieds le glace jusqu'au coeur !) en voilà un, un autre, il y en a six, blottis comme des lapins !

     

    4 Vite, vite, en ouvrant des yeux terribles, Poum avale trois petits choux : Ah ! cette crème à la noisette !... Encore un. Là, le crime commence. Mais s'arrête-t-on, une fois sur la pente ?... Un cinquième ? Poum, malheureux, ta conscience te regarde !... Non, pas le sixième, il est si petit, c'est le dernier, un orphelin... Pitié pour lui, Poum !...

    Petit scélérat, il l'a mangé.

     

    5 Un bruit ; Poum, tout tremblant, veut s'enfuir ; mais le bat­tant du buffet s'est refermé sans bruit et pince et retient la chemise fendue de Poum ; il croit qu'une main le saisit, et pousse des hurlements.

    Toute la maison s'éveille ; appels, piétinements, lumières ; l'escalier s'éclaire, la salle à manger flamboie... Ô honte ! maman, Bertha, le père de Poum tenant un gourdin, Firmin, armé d'un fusil de chasse !

    Et Poum devant tout ce monde, prisonnier de la main de bois !

     

    V Le jeu du loup

    4 histoires de Poum (Paul et Victor Margueritte)

     

    1 « Zette, veux-tu jouer au loup ? »

    Mais Zette boude, et Poum ne peut la décider.

    « Oh ! bien donc, fait-il enfin, n'y jouons pas.

    — Si, Poum, je veux bien !

    — Ah ! la finaude ! » C'est toujours comme cela. Quand on veut, elle ne veut pas ; quand on ne veut plus, elle veut. Il déclare :

    « Tu seras le loup !

    — Non, ce sera toi !

    — Eh bien, ce sera moi ! »

     

    2 Une délicieuse angoisse mord le cœur de Zette et c'est d'une voix très mal assurée, les yeux au guet et les oreilles tendues, qu'elle fredonne :

     

    « Promenons-nous dans le bois

    Pendant que le loup n'y est pas

    Si le loup y était,

    Il nous mangerait. »

     

    Et de toutes ses forces :

    « Loup, y es-tu? »

    Lointaine, pacifique, — mais ne t'y fie pas !... — la voix de Poum répond:

    « Je mets mes lunettes. »

    « Promenons-nous dans le bois... »

    « Loup, y es-tu ?

    — Je mets mes bas. »

     

    3 Il met ses bas, bon ! on a le temps. Et Zette, attirée, se rap­proche avec terreur et ivresse du taillis noir où Poum mime la scène.

    « Promenons-nous dans le bois... »

    « Loup, y es-tu? »

    Elle chevrote, la voix de Zette. Avec bonhomie, le loup répond :

    « Je boutonne mon gilet. »

     

    4 Se sauver au but sans attendre, fuir lâchement, Zette en a une envie folle, mais « ce ne serait pas de jeu » ; il faut boire la terreur à petites gorgées. « Promenons-nous... dans le bois ! Loup, y es-tu ? » Il endosse son paletot. Il met son chapeau. Il prend son parapluie. Il... cherche sa clef. Il... il... ouvre sa porte !

    Un dernier, étranglé, suffocant :

    « Loup, y es-tu?

     

    5 — Oui ! » mugit une voix terrible, et les branches s'écartent dans un froissement brutal, le loup bondit, Zette prend ses jambes à son cou. Quelle poursuite ! Hou ! hou ! Elle n'y voit plus, le coeur lui manque ; dans sa nuque, le souffle rauque... Déjà la patte rude l'a effleurée deux fois. Zette alors pousse des cris affreux qui ameutent toute la maison, et Poum, les cheveux hérissés, saisi de la peur qu'il provoque, talonné par le danger invisible qu'il représente, se met à crier plus fort qu'elle, comme un cochon qu'on égorge.

     

    (Adapté de PAUL et VICTOR MARGUERITTE, Poum et Zette, Plon)

     

     

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