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Vassilissa-la-très-sage (Natha Caputo)
Un homme a dû promettre de donner son fils nouveau-né, Ivan, à un magicien qui vit dans la mer et les rivières — le tzar des eaux. Au bout de quinze ans, le tzar, furieux d'avoir tant attendu, vient rappeler au père sa promesse. Ivan doit donc se rendre chez le tzar.
En chemin, il rencontre les douze filles du tzar et il se fait aimer de l'une d'elles, Vassilissa-la-très-sage. Celle-ci lui promet d'être son épouse et elle le guide vers le royaume sous-marin de son père.
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Auteur : Natha Caputo.
Niveau : Niveau 3 (CE2).
Manuel : Giraudin, Vigo, L'Oiseau-Lyre CE2.
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Vassilissa-la-très-sage
I D'impossibles travaux
1 On appela Ivan pour le conduire chez le tzar des mers. Et le tzar des mers se mit à crier :
« Pourquoi as-tu tant tardé à te présenter ? Non point parce que tu es coupable, mais pour payer la faute de ton père, voici pour toi un travail aisé : je possède une terre inculte de trente kilomètres de long sur trente kilomètres de large; il n'y a là que des fossés, des ravins et des cailloux pointus. Pour demain, que tout soit lisse et plat, comme sur la paume de la main; et que le seigle y soit semé et qu'en une nuit, il ait poussé si haut et si épais qu'une corneille y soit invisible. Si tu le fais, je te récompenserai, mais si tu échoues, ta tête sautera ! »
2 Ivan devint tout triste et sortit de chez le roi tout abattu, la tête plus basse que les épaules.
Du haut de sa fenêtre, Vassilissa-la-très-sage l'aperçut et lui demanda :
« Quelle est la raison de ta tristesse, cher Ivan? »
Et Ivan lui répondit :
3 « Comment ne pas m'attrister ! Ton père m'a ordonné d'égaliser en une nuit les fossés, les ravins et les cailloux pointus de son terrain, de l'ensemencer avec du seigle et qu'au matin, ce seigle ait poussé assez haut pour qu'une corneille s'y puisse cacher.
— Oh ! ce n'est pas un malheur ! Le malheur est encore à venir ! Va-t'en dormir. La nuit porte conseil. »
Ivan obéit et s'en alla dormir.
4 Pendant ce temps, Vassilissa-la-très-sage sortit sur son perron et cria d'une voix forte :
« Holà ! mes serviteurs fidèles ! Comblez les fossés profonds, emportez les cailloux pointus, ensemencez le champ de seigle de qualité, afin qu'au matin il ait poussé ! »
À l'aube, Ivan se réveilla. Il regarda. Tout était fait. Il n'y avait plus ni fossés, ni ravins. Un champ s'étendait, lisse comme la paume de la main et le seigle y ondulait, si épais, si haut, qu'une corneille s'y serait cachée.
5 Alors il se rendit chez le tzar des mers pour le lui annoncer.
« Eh bien, je te remercie, dit le tzar des mers. Tu as su me rendre service. Voici donc un autre travail : je possède trois meules et chacune d'elles est composée de trois cents meules plus petites, toutes de blanc froment de printemps. Il te faudra battre pour demain tout ce froment très soigneusement, jusqu'au dernier petit grain. Mais ne détruis pas les meules et ne défais pas les gerbes. Si tu n'y parviens pas, ta tête sautera !
II Un nouveau travail
1 Ivan devint plus triste encore que la première fois. Il traversa la cour, tout soucieux, la tête plus basse que les épaules.
« Quelle est la raison de ton chagrin, cher Ivan? » lui demanda Vassilissa-la- très-sage.
Ivan lui fit part de son nouveau souci.
« Ce n'est pas un tel malheur ! Le malheur est encore à venir ! Va-t'en dormir. La nuit porte conseil. »
Ivan s'en alla donc dormir.
2 Pendant ce temps, Vassilissa-la-très-sage sortit sur son perron et cria d'une voix forte :
« Holà ! fourmis courantes ! Toutes, tant que vous êtes, accourez jusqu'à moi et sortez les grains des meules de mon père, bien soigneusement, jusqu'au plus petit d'entre eux. »
Le lendemain matin, le tzar des mers fit appeler Ivan :
« As-tu fait ce que tu devais, fils ?
— Oui, je l'ai fait, tzar-souverain.
— Allons nous en assurer. »
3 Ils se rendirent dans la grange. Toutes les meules s'y dressaient intactes. Ils montèrent au grenier, tous les coffres à grains étaient pleins à ras bord :
« Eh bien, je te remercie, frère, dit le tzar des mers. Tu m'as rendu un nouveau service. Voici donc un troisième travail, et cette fois ce sera le dernier! Construis-moi en une nuit une église en cire pure et qu'elle soit prête pour le lever du jour. Si tu réussis, tu choisiras celle de mes filles qu'il te plaira et tu viendras toi-même te marier dans cette église. Si tu ne réussis pas, ta tête sautera! »
4 Et voilà de nouveau Ivan traversant la cour, le visage baigné de larmes.
« Quelle est la raison de ton chagrin, cher Ivan? lui demanda Vassilissa-la-très-sage.
— Comment ne pas me chagriner ! Ton père m'a ordonné de construire en une nuit une église de cire pure.
— Allons, ce n'est pas un tel malheur ! Le malheur est encore à venir ! Va-t'en dormir. La nuit porte conseil. »
5 Ivan obéit et alla se coucher, tandis que Vassilissa-la-très-sage sortait sur son perron et criait d'une voix forte :
« Holà ! vous, les abeilles laborieuses ! Toutes, tant que vous êtes, volez jusqu'à moi ! Et façonnez-moi, avec de la cire pure, une haute église. Qu'elle soit prête pour le lever du jour afin que je puisse à la mi-journée aller m'y marier ! »
III Ivan choisit sa fiancée
Le lendemain matin, en se levant, le tzar des mers regarda par sa fenêtre. Devant ses yeux, se dressait une église de cire pure qui luisait au soleil.
« Eh bien, je te remercie, brave jeune homme ! Aucun serviteur ne m’a jamais mieux servi. J’ai douze filles. Choisis pour fiancée celle qu’il te plaira. Si tu indiques trois fois de suite la même jeune fille, elle sera pour toi une épouse fidèle. Si tu ne la reconnais pas, ta tête sautera de tes épaules ! »
« Bah ! cela n'est guère difficile ! » pensa Ivan. Et, quittant le tzar, il en riait tout seul.
2 Vassilissa-la-très-sage l'aperçut et lui demanda ce qui s'était passé.
« Tu es vraiment par trop simple, mon cher Ivan, lui dit-elle. Ce qui t'est proposé n'est pas si facile ! D'abord, notre père nous changera en cavales et t'obligera à choisir sous cette forme ta fiancée. Alors regarde bien : tu remarqueras que, sur ma bride, une paillette se ternira. Ensuite, mon père nous lâchera, changées en colombes. Mes sœurs picoreront tout doucement des grains de blé noir, tandis que moi, je n'en ferai rien. Et je battrai des ailes. La troisième fois, mon père fera de nous des jeunes filles toutes semblables en beauté et en taille. Elles auront même voix et même chevelure. Alors j'agiterai exprès mon mouchoir. À ces signes, tu me reconnaîtras. »
3 Ainsi que Vassilissa l'avait dit, le tzar des mers fit sortir douze cavales toutes pareilles et les fit mettre sur un rang.
« Choisis celle que tu voudras. »
Ivan regarda attentivement et vit que, sur une des brides, une paillette s'était ternie. Il saisit cette bride et dit :
« Voici ma fiancée !
— Tu n'as pas la main heureuse ! Tu pouvais choisir mieux !
— Peu importe ! Celle-ci me convient ! »
4 Alors le tzar lâcha douze colombes de même plumage et leur jeta des grains de blé noir.
Ivan remarqua qu'une des colombes battait sans cesse de ses petites ailes et l'attrapa.
« Voici ma fiancée !
— Tu te trompes de morceau! Choisis pour la troisième fois, à présent. »
5 Et le tzar lui présenta douze jeunes filles semblables en beauté et en taille, et qui avaient même voix et même chevelure. Il eût été impossible de les distinguer si l'une d'entre elles n'avait agité son mouchoir.
« Voici ma fiancée !
— Eh bien, frère, dit le tzar des mers, je suis rusé, mais tu es encore plus rusé que moi. »
Et il lui donna Vassilissa-la-très-sage en mariage.
IV Poursuivis par le tzar
Au bout d'un certain temps, Ivan commença à s'ennuyer de ses parents et voulut les revoir. Alors, Vassilissa lui dit :
« C'est maintenant, oui, que le malheur est arrivé ! Si nous partons, on nous poursuivra sans trêve. Le tzar des mers se mettra dans une grande fureur et nous condamnera à une mort cruelle. »
Pourtant, Vassilissa s'enfuit avec Ivan…
1 Le tzar des mers entra dans une grande colère et envoya des cavaliers dans toutes les directions, à la poursuite des fugitifs. Mais Vassilissa-la-très-sage et Ivan se trouvaient déjà loin, très loin, galopant sur leurs coursiers fougueux, sans haltes ni repos.
« Mets donc ton oreille contre terre, cher époux, et écoute : ne sommes-nous pas poursuivis par les messagers du tzar des mers . »
2 Ivan sauta à bas de son cheval, colla son oreille contre terre et dit :
« J'entends crier des hommes et galoper des chevaux.
— Ce sont nos poursuivants ! » dit Vassilissa-la-très-sage. Et elle transforma leurs coursiers en un pré vert, Ivan en vieux berger et elle-même en petite brebis bouclée.
3 Les poursuivants arrivèrent :
« Hé ! petit vieux, un jeune homme et une belle jeune femme n'auraient-ils pas passé au galop par ici ?
— Non, braves gens, répondit Ivan, voici quarante ans que je suis berger au même endroit et pas un oiseau n'est venu voleter par ici, pas un animal n'y est venu rôder. »
Les poursuivants firent demi-tour.
« Tzar-souverain, nous n'avons trouvé personne sur notre chemin. Nous n'avons vu qu'un berger avec sa brebis. »
4 Le tzar des mers se mit en colère et cria d'une grosse voix :
« Vous n'êtes guère malins, vous autres ! Repartez au galop ! Ramenez-moi la brebis et le berger viendra de lui-même ! »
Les poursuivants repartirent à fond de train.
Mais sans perdre de temps, Ivan et Vassilissa-la-très-sage pressaient aussi leurs chevaux. S'ils avaient déjà parcouru la moitié de leur route, l'autre moitié s'allongeait encore devant eux.
5 Et Vassilissa-la-très-sage dit :
« Mets donc ton oreille contre terre, cher époux, et écoute : ne sommes-nous pas poursuivis par les envoyés du tzar des mers ? »
Ivan mit pied à terre, colla son oreille contre le sol et dit :
« J'entends crier des hommes et galoper des chevaux.
— Ce sont nos poursuivants ! » dit Vassilissa-la-très-sage. Aussitôt, elle se transforma en une petite chapelle, changea les chevaux en arbres et Ivan en un vieux petit pope.
V « Tu resteras rivière ! »
1 Les poursuivants arrivèrent :
« Hé là, petit père, n'as-tu pas vu passer par ici un berger avec une brebis ?
— Non, braves gens. Voici quarante ans que je sers dans cette chapelle, et pas un oiseau n'est venu voleter par ici, pas un animal n'y est venu rôder. »
Les cavaliers rebroussèrent chemin.
« Tzar-souverain, nous n'avons pas retrouvé le berger à la brebis. Nous n'avons vu sur notre route qu'une chapelle et un vieux pope. »
2 Le tzar des mers fut pris d'une colère encore plus grande que la première fois.
« Que vous êtes donc sots ! Il vous fallait démolir la chapelle et l'apporter ici! Et le pope serait bien venu tout seul ! »
Il s'équipa, enfourcha un coursier et partit ventre à terre pour rattraper Ivan et Vassilissa-la-très-sage.
Mais ces derniers se trouvaient déjà fort éloignés. Presque toute leur route s'étendait maintenant derrière eux.
3 Et Vassilissa-la-très-sage dit encore une fois :
« Cher époux, mets donc ton oreille contre terre. N'entends-tu pas une poursuite ? »
Ivan descendit de cheval, colla son oreille contre terre et dit :
« La terre tremble sous les sabots d'un cheval !
— C'est le tzar des mers lui-même qui galope ! » dit Vassilissa-la-très-sage.
Et aussitôt, elle se transforma en une rivière. Les chevaux furent changés en herbes aquatiques et Ivan en goujon.
4 Le tzar des mers arrivait à toutes brides. Il regarda autour de lui et reconnut sans hésiter à quelle rivière il avait affaire et quel genre de goujon frétillait dans son eau !
Il sourit avec malice et dit :
« Puisqu'il en est ainsi, tu resteras rivière pendant trois ans. L'été tu t'assècheras, l'hiver tu gèleras, au printemps tu déborderas. »
5 Puis il fit faire demi-tour à sa monture et reprit au galop le chemin de son royaume sous-marin.
La petite rivière se mit à pleurer et murmura :
« Mon époux bien-aimé, il va falloir nous séparer ! Rentre chez toi, mais prends bien garde de ne laisser personne d'autre t'embrasser que ton père et ta mère. Car si quelqu'un t'embrassait, tu m'oublierais. »
Hélas ! À la fin de la troisième année, la petite sœur d'Ivan l’embrassa pendant qu'il dormait. Ivan oublia tout, il oublia Vassilissa comme si elle n'avait jamais existé. Un mois plus tard, on présenta une fiancée à Ivan et les préparatifs du mariage commencèrent.
Mais, les trois années étant écoulées, Vassilissa redevint une jeune femme, et elle se rendit à la maison d'Ivan. Celui-ci retrouva la mémoire et dit à ses parents : « Voici mon épouse fidèle. Je n'en veux point d'autre. »
À partir de ce jour, Ivan et Vassilissa-la-très-sage vécurent heureux, à l'abri de la méchanceté.
(Vassilissa-la-très-sage,
traduit du russe par Natha Caputo, Agence Vaap)
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