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Qu'apporte la lecture à l'esprit ?
Ceci est une traduction (la moins approximative possible, j'espère) de "What Reading Does For the Mind?" de Keith E. Stanovich et Anne E. Cunningham, deux chercheurs renommés en psychologie cognitive.
Texte en américain : « Cunningham, Stanovich-What Reading Does for the Mind.pdf »
La lecture entraîne des conséquences cognitives qui vont au-delà de sa tâche immédiate consistant à extraire le sens d'un passage particulier. En outre, ces conséquences sont naturellement réciproques et exponentielles. Accumulées au cours du temps - selon une spirale qui peut être soit croissante soit décroissante - elles contiennent de profondes implications pour le développement d'un large éventail de capacités cognitives.
La préoccupation concernant les influences réciproques autour de l'apprentissage de la lecture ont été éclaircies à travers des discussions de ce que l'on appelle les "effets Matthieu" dans la réussite scolaire (Stanovich, 1986; Walberg & Tsai, 1983). Le terme d' "effets Matthieu" est tiré d'un passage de la Bible qui décrit un phénomène d'enrichissement des plus riches et d'appauvrissement des plus pauvres. Appliquant ce concept à la lecture, nous voyons que très tôt dans le processus d'apprentissage de la lecture, les pauvres lecteurs, qui éprouvent une plus grande difficulté à casser le code graphème-phonème, commencent à être exposés à une moindre quantité de texte à lire que ceux de leurs pairs qui ont plus de capacités (Allington, 1984; Biemiller, 1977-1978). Ce qui exacerbe encore plus le problème est le fait que les lecteurs moins habiles se retrouvent souvent avec des outils d'apprentissage de la lecture (manuels, fichiers, etc.) qui sont trop difficiles pour eux (Allington, 1977, 1983, 1984; Gambrell, Wilson, & Gantt, 1981). La combinaison de ces facteurs (capacités de décodage défectueuses, manque d'entraînement et matériels difficiles) aboutit à des premières expériences de lecture non gratifiantes qui mènent à leur tour à moins d'implications dans les activités reliées à l'apprentissage de la lecture. Le manque d'exposition et d'entraînement de la part des lecteurs précaires retarde le développement de l'automaticité et de la vitesse dans la reconnaissance des mots. Des processus lents et absorbant la plus grande partie de la mémoire de travail requièrent des ressources cognitives qui devraient être allouées à la compréhension. C'est pourquoi l'acte de lire pour comprendre est entravé ; les expériences de lecture non gratifiantes se multiplient ; et l'entraînement est évité ou bien simplement toléré sans réelle implication cognitive de la part de l'élève.
La disparité entre les expériences de lecture d'enfants ayant des capacités différentes à un moment donné entraîne certainement beaucoup d'autres conséquences pour le développement futur de leurs capacités de lecteur et de leurs capacités cognitives. Comme la capacité à lire se développe et la reconnaissance de mots devient moins exigeante en ressources et plus automatique, ce n'est plus la capacité à déchiffrer, mais des habiletés langagières plus générales (telles que le vocabulaire, les connaissances de culture générale, la familiarité avec des structures syntaxiques complexes, etc.) qui deviennent le facteur contraignant de la capacité de lecture (Chall, 1983 ; Sticht, 1979). Mais le volume considérable de lecture faite par le meilleur lecteur a le pouvoir de fournir un avantage même ici si - comme notre recherche le suggère - lire en grande quantité sert à développer ces mêmes capacités et bases de connaissances (Cunningham & Stanovich, 1997; Echols, West, Stanovich, & Zehr, 1996; Stanovich & Cunningham, 1992, 1993). Du point de vue d'un modèle réciproque du développement de la lecture, ceci signifie que de nombreuses différences cognitives observées entre lecteurs ayant des capacités différentes pourraient être en fait des conséquences de différences dans la pratique de lecture qui elles-mêmes ont résulté de différences précoces dans la vitesse de l'acquisition initiale de la lecture. les expériences de lecture augmentées des enfants qui ont maîtrisé tôt le code alphabétique (graphèmes-phonèmes) pourraient avoir d'importants effets de causalité positive en retour qui sont refusées au lecteur progressant lentement. dans notre recherche, nous avons commencé à explorer ces effets réciproques en examinant le rôle que le volume de lecture joue dans la formation de l'esprit et nous partagerons nombre de nos découvertes dans cet article.
Nous dirons tout d'abord que la complexité d'une partie du travail que nous décrivons dans cet article était nécessitée en grande partie par le fait qu'il est difficile d'isoler la contribution unique que le volume de lecture apporte. Une des difficultés est que les niveaux de volume de lecture sont corrélés avec beaucoup d'autres caractéristiques cognitives et comportementales. Les lecteurs avides tendent à être différents des non-lecteurs dans une large variété de capacités cognitives, d'habitudes de comportement et d'autres variables de fond (Guthrie, Schafer, & Hutchinson, 1991; Kaestle, 1991; Zill & Winglee, 1990). Attribuer un quelconque bénéfice particulier au volume de lecture est ainsi extrêmement difficile.
Des raisons théoriques d'attendre des conséquences cognitives positives du volume de lecture
Dans certains domaines cognitifs très importants, il y a de très fortes raisons théoriques d'attendre un effet positif et unique de la lecture avide. Le développement du vocabulaire en est un bon exemple. un grand nombre de théoriciens sont d'accord pour affirmer que la majeure partie de la croissance du vocabulaire pendant l'enfance a lieu indirectement à travers l'exposition de l'enfant au langage plutôt qu'à travers un enseignement direct ( Miller & Gildea, 1987; Nagy & Anderson, 1984; Nagy, Herman, & Anderson, 1985; Sternberg, 1985, 1987). En outre, de nombreux chercheurs sont convaincus que le volume de lecture, plus que le langage oral, est le premier contributeur aux différences individuelles dans les vocabulaires des enfants (Hayes, 1988; Hayes & Ahrens, 1988; Nagy & Anderson, 1984; Nagy & Herman, 1987; Stanovich, 1986).
Les raisons théoriques pour croire que le volume de lecture est une manière particulièrement efficace d'étendre le vocabulaire d'un enfant dérivent des différences dans les distributions statistiques des mots qui ont été trouvées entre le langage écrit et le langage oral. Certaines de ces différences sont illustrées dans le tableau 1 qui affichent les résultats de certaines des recherches de Hayes et Ahrens (1988), qui ont analysé les distributions de mots utilisées dans différents contextes.
Le tableau illustre les trois différentes catégories de langage qui ont été analysées :
- le langage écrit dont les échantillons vont de genres aussi difficiles que des articles scientifiques à des genres aussi simples que des livres pour enfants de maternelle ;
- les discours prononcés dans des émissions de télévision de différents types ;
- le discours adulte dans deux contextes qui varient selon le degré de formalité.
Les mots utilisés dans les différents contextes ont été analysés selon une mesure de fréquence standard pour la langue anglaise (Carroll, Davies, & Richman, 1971). Cette échelle de fréquence classe les 86 741 différents mots de l'anglais selon la fréquence de leur apparition dans un large corpus d'anglais écrit. Ainsi, par exemple, le mot "the" est classé numéro 1, le 10e mot le plus fréquent est "it", le mot "know" est classé 100e, le mot "pass" est classé 1000e, le mot "vibrate" est 5 000e en fréquence, le mot "shrimp" est 9000e et le mot "amplifier" est classé 16 000e. La première colonne, qui a pour titre Rank of Median Word, est simplement le rang de fréquence en moyenne des mots dans chacune des catégories. Ainsi, par exemple, les mots employés dans les livres pour enfants sont en moyenne à la 627e place dans l'échelle de fréquence de Carroll ; le mot moyen dans les revues populaires était situé à la 1 399e position et le mot moyen dans les résumés d'articles scientifiques a eu, sans surprise, un rang de fréquence très bas (4 389e).
Ce qui est immédiatement apparent, c'est à quel point le langage oral est appauvrissant du point de vue lexical, comparé au langage écrit. a part certaines situations spéciales telles que les témoignages en salles d'audience (courtroom testimony), la fréquence moyenne des mots dans tous les échantillons de langage oral est plutôt élevée, à peu près dans les 400e-600e dans l'échelle de fréquence.
La relative rareté des mots dans les livres pour enfants est en fait plus grande que celle relevée dans toute la conversation adulte, à part le témoignage en salle d'audience. en effet, les mots utilisés dans les livres pour enfants sont considérablement plus rares que ceux employés dans les émissions de télévision de prime-time pour adultes. Les catégories de matériel de lecture pour adultes (livres, revues, journaux) contiennent des mots qui sont en moyenne deux à trois fois plus rares que ceux entendus à la télévision.
Ces différences relatives dans la rareté des mots ont des implications directes dans le développement du vocabulaire. Si la plus grand part du vocabulaire est acquis en dehors de tout enseignement direct formel, alors les seules opportunités d'acquérir de nouveaux mots se présentent quand un individu est exposé à un mot dans le langage oral ou écrit qui est à l'extérieur de son vocabulaire courant. Que ceci se produise de manière beaucoup plus fréquente à l'occasion de la lecture que lors d'une discussion ou du visionnage d'une émission de télé est illustré dans la seconde colonne du tableau 1.
La colonne détaille combien en moyenne de mots rares sur 1000 mots lus ou entendus sont contenus dans chacune des catégories. Un mot rare est défini comme un mot ayant un rang inférieur à 10 000 dans l'échelle de fréquence Caroll; grosso modo, c'est un mot qui n'est pas dans le vocabulaire d'un enfant de CM1-CM2-6e. Pour que la croissance du vocabulaire s'effectue après ces classes, les enfants doivent être exposés à des mots qui sont rares d'après cette définition. Encore une fois, c'est le texte imprimé qui fournit le plus grand nombre de ces opportunités d'apprendre des mots nouveaux. Les livres pour enfants contiennent 50% de mots rares de plus que ne le font en moyenne les émissions adultes de prime-time et la conversation de diplômés de l'Université. Les magazines populaires comportent approximativement trois fois plus d'occasions d'apprendre de nouveaux mots que les émissions de prime time et les conversations entre adultes.
Les déclarations de certains pédagogues assurant que "Ce qu'ils lisent et écrivent peut rendre les gens plus intelligents, mais cela vaut aussi pour toute activité qui engage l'esprit, telle qu'une conversation intéressante" (Smith, 1989), de telles déclarations sont exagérées, au moins quand on les applique au domaine de l'apprentissage du vocabulaire. Les données présentées dans le tableau 1 indiquent que la conversation n'est pas un substitut pour la lecture.
On soutient ou sous-entend parfois que le type de mots présents dans l'écrit mais pas représentés à l'oral contient des mots non nécessaires - du jargon, des propos universitaires ambigus, des termes élitistes illustrant une position sociale avantageuse ou des mots utilisées pour maintenir le statut des utilisateurs mais ne servant aucun but fonctionnel. Un regard sur les distributions de fréquence des mots rencontrés à l'oral et à l'écrit fait apparaître cet argument comme manifestement faux. Le tableau 2 présente une liste de mots qui n'apparaissent pas du tout dans deux larges corpora (pluriel du mot latin "corpus") de langage oral (Berger, 1977 ; Brown, 1984), mais qui ont des fréquences d'emploi appréciables dans le langage écrit (Francis & Kucera, 1982).
Les mots participation, luxe, manœuvre, provoquer, à contrecoeur, abdiquer, incarner, équivaloir, hormone, exposition, déployer, invariablement, prédominance, littéral, légitime et infini ne sont pas des appendices superflus concoctés spécialement pour exclure ceux qui ne sont pas familiers avec ces mots. Ce sont des mots qui sont nécessaires pour faire des distinctions critiques dans le monde physique et social dans lequel nous vivons. Sans de tels outils lexicaux, on serait sévèrement désavantagé pour atteindre ses buts dans une société avancée comme la nôtre. Comme Olson (1996) le dit :
"Il est facile de montrer que les subtilités du langage sont cruciales dans certaines tâches. Une personne qui ne voit pas clairement la différence entre une expression d'intention et une promesse, ou entre une faute et un accident, ou encore entre une fausseté et un mensonge, devrait éviter une carrière dans la magistrature ou d'ailleurs dans la théologie."
Les grandes différences de richesse lexicale entre le discours oral et le texte écrit sont une source majeure de différences individuelles dans le développement du vocabulaire. ces différences individuelles résultent de la large variabilité parmi les enfants de l'exposition aux textes. Le tableau 3 présente les données d'une étude portant sur l'utilisation du temps extra-scolaire par des CM2 conduite par Anderson, Wilson et Fielding (1988).
A partir des agendas que les enfants remplissaient quotidiennement pendant plusieurs mois d'affilée, les chercheurs estimèrent combien de minutes ces individus passaient chaque jour à lire ou à faire d'autres activités en dehors du temps scolaire. Le tableau indique que l'enfant situé au 50e percentile pour ce qui est de la quantité de lecture indépendante lisait approximativement 4.6 minutes par jour, ou environ une demi-heure par semaine, soit un temps de lecture plus de six fois plus grand que celui de l'enfant au 20e percentile (moins d'une minute par jour). Ou, pour prendre un autre exemple, l'enfant au 80e percentile en ce qui concerne la quantité de lecture indépendante (14.2 minutes) lisait plus de vingt fois plus que l'enfant au 20e percentile. Anderson et al. (1988) estimèrent les taux de lecture des enfants et les utilisèrent, en conjonction avec la quantité de lecture en minutes par jour, pour extrapoler le nombre de mots lus par les enfants situés à des percentiles divers. Ces chiffres, présentés dans la colonne droite du tableau, illustrent l'énorme différence dans l'exposition aux mots qui sont générées par les propensions différentes des enfants envers la lecture. Par exemple, l'enfant qui est au 90e percentile lit environ 2 millions de mots par an en dehors de l'école, plus de deux cent fois que ce que lisait l'enfant au 10e percentile qui lit seulement 8 000 mots dans le temps extra-scolaire en un an. Pour le dire autrement, la quantité de lecture extra-scolaire au 10e percentile équivaut à seulement deux jours de lecture de l'enfant qui se trouve au 90e percentile ! Ces différences imposantes, combinées avec la richesse lexicale du texte écrit, contribuent à créer de larges différences de vocabulaire entre les enfants.
Examen des conséquences des degrés différentiels de volume de lecture
C'est une chose de spéculer sur la manière dont ces différences dans le volume de lecture peuvent aboutir à des conséquences cognitives spécifiques dans des domaines tels que le vocabulaire ; c'en est une autre que de démontrer que ces effets se produisent bel et bien. Dans notre recherche, nous avons cherché des preuves empiriques des effets spécifiques du volume de lecture, effets qui ne résultent pas simplement de capacités et d'habiletés cognitives plus élevées du lecteur plus avide. Bien qu'il y ait de considérables différences dans la quantité de volume de texte lu à l'école, il est vraisemblable que le volume de lecture dans le temps extra-scolaire est une source encore plus puissante d'effets Matthieu (les riches deviennent plus riches, les pauvres plus pauvres). C'est pourquoi nous avons cherché à examiner en quoi précisément la lecture indépendante ou extra-scolaire contribue à la capacité de lecture, aux aspects de l'intelligence verbale et à la connaissance générale sur le monde. Dans le cadre de ce programme de recherche, notre groupe de recherche a inauguré l'utilisation d'une mesure du volume de lecture qui a quelques avantages uniques dans des recherches de ce type (Cunningham and Stanovich, 1990; Stanovich and West, 1989).
En tout, nous avons développé deux mesures du volume de lecture de l'adulte et une pour le volume de lecture de l'enfant. Brièvement, la mesure chez l'enfant, appelé Test de Reconnaissance des Titres (TRT) demande aux enfants de reconnaître les titres de livres pour enfants populaires parmi une liste de titres qui inclut une quantité équivalente de titres inventés. Cette tâche est facile à faire passer à de grands nombres d'enfants, elle n'exige pas de grands efforts cognitifs et ses résultats sont fiables - il n'est pas possible aux enfants de déformer leurs réponses pour les faire adhérer à ce qu'ils perçoivent comme des réponses socialement désirables. Parce que le nombre de mauvaises réponses peut être soustrait à celui des réponses correctes, il est possible de retirer les effets de la devinette des résultats (voir Cunningham & Stanovich, 1990; 1991; and Stanovich and West, 1989 pour une description complète de ces instruments et une discussion de la logique qui les sous-tend). Les mesures du volume de lecture chez l'adulte, appelés Test de Reconnaissance d'Auteurs et Test de Reconnaissance de Magazines, sont des tâches qui obéissent aux mêmes contraintes et font l'objet d'une description complète dans Stanovich et West (1989).
Un score au Test de Reconnaissance de Titres n'est bien sûr pas une mesure absolue du volume de lecture des enfants et de ses expériences de lecture antérieures, mais il nous fournit un indicateur des différences relatives de volume de lecture. Cet indicateur nour permet de demander quels effets le volume de lecture (plutôt que la compréhension générale de textes ou que la capacité de décodage de mots) a sur l'intelligence, le vocabulaire, l'orthographe et les connaissances générales des enfants. En bref, elle nous permet de répondre à la question : est-ce que la lecture - en elle-même et par elle-même - façonne la qualité de notre esprit ?
Les titres apparaissant dans le TRT ont été sélectés parmi un échantillon de titres de livres généré dans des enquêtes pilotes par des groupes d'enfants allant du CE1 jusqu'au lycée. En sélectionnant les items qui apparaissent dans chacune des versions du TRT, on a essayé de choisir des titres qui ne faisaient pas massivement partie des activités de lecture en classe dans ces écoles particulières. Parce que nous voulions que le TRT sonde la lecture extra-scolaire plutôt que celle effectué en classe, nous avons essayé de choisir des titres de livres qui n'étaient pas utilisés dans le cursus scolaire.
Dans nos rapports techniques sur ce travail, nous avons utilisé une puissante technique statistique connue sous le nom de régression hiérarchique multiple pour résoudre le problème interprétatif selon lequel, étant donné que les lecteurs avides excellent dans la plupart des domaines d'apprentissage verbal, nos mesures du volume de lecture pourraient par conséquent être corrélées fallacieusement avec une foule de capacités (Cunningham & Stanovich, 1990, 1991; Stanovich & Cunningham, 1992, 1993; Stanovich & West, 1989). Nous avons trouvé que même si la performance est statistiquement appariée pour la compréhension en lecture et les capacités générales, le volume de lecture reste un très puissant prédicateur des différences de vocabulaire et de connaissance. C'est pourquoi nous croyons que le volume de lecture n'est pas simplement un indicateur indirect de capacité ; c'est en fait une source indépendante, potentiellement séparable de différences cognitives.
Le volume de lecture contribue à la croissance des habiletés langagières
Dans plusieurs études, nous avons essayé de relier le volume de lecture à des résultats cognitifs spécifiques après avoir contrôlé les capacités générales pertinentes telles que le QI. Dans une étude portant sur des enfants de CM1, CM2 et 6e, nous avons examiné si le volume de lecture a des incidences sur les différences dans le développement du vocabulaire une fois que des contrôles sur l'intelligence générale et sur les habiletés langagières spécifiques eussent été effectués (Cunningham & Stanovich, 1991). Nous avons employé de multiples mesures du vocabulaire et contrôlé les effets de l'âge et de l'intelligence. Nous avons aussi contrôlé l'effet d'une autre habileté qui pourrait être fortement liée aux mécanismes d'acquisition du vocabulaire : les capacités de décodage. L'habileté à décoder pourrait être le maillon d'une relation entre le volume de lecture et une variable comme le vocabulaire de plusieurs façons. Des niveaux élevés de d'habileté à décoder, certainement un facteur contribuant à un plus grand volume de lecture, pourrait fournir des contextes relativement complets pour déterminer le sens des mots durant la lecture. C'est pourquoi le volume de lecture et le vocabulaire pourraient être mis en relation via leur connexion avec la capacité à décoder. Les bons décodeurs lisent beaucoup et ont le meilleur contexte pour inférer le sens de nouveaux mots. Ce lien potentiel a été pris en compte en contrôlant statistiquement l'habileté à décoder préalablement aux recherches sur le volume de lecture. Mais nous avons trouvé que même en prenant en compte l'intelligence générale et la capacité à décoder, le volume de lecture contribuait significativement et de manière indépendante aux connaissances lexicales des enfants de CM1, CM2 et 6e.
Ces résultats démontrent que le volume de lecture, bien qu'étant clairement une conséquence du développement de l'habileté à lire, est lui-même à son tour un contributeur significatif pour le développement d'autres aspects de l'intelligence verbale. De tels effets d'enrichissement des plus riches et d'appauvrissement des plus pauvres deviennent des problèmes de plus en plus importants aux yeux de la communauté éducative (Adams, 1990 ; Chall, 1989) et jouent un rôle de plus en plus important dans les théories sur les différences individuelles dans l'augmentation de la capacité de lecture (Anderson, et al., 1988; Chall, Jacobs, & Baldwin, 1990; Hayes, 1988; Hayes & Ahrens, 1988; Juel, 1988, 1994; Stanovich 1986, 1989, 1993).
Dans une étude portant sur des étudiants d'Université, nous avons employé un test encore plus rigoureux pour savoir si le volume de lecture était en lui-même un prédicateur d'habileté verbale (Stanovich & Cunningham, 1992). Dans cette étude nous avons examiné un grand nombre des mêmes variables que dans notre étude sur les CM1-CM2-6e. Cependant, nous avons décidé de fausser le jeu en défaveur du volume de lecture en retirant au préalable toute contribution de la capacité de lecture et de l'intelligence générale. En structurant les analyses de cette manière, nous n'avions pas l'intention de suggérer que le volume de lecture n'est pas un facteur déterminant de la capacité de compréhension écrite. En effet, nous soutenons qu'il y a des raisons de croire que le volume de lecture facilite la croissance de la capacité de compréhension. Cependant, nous voulions construire l'analyse la plus prudente en permettant délibérément à la mesure de compréhension de dérober quelque écart qui est à bon droit attribué à la mesure du volume de lecture. Les résultats de notre étude confirment la puissance du volume de lecture. Nous avons trouvé que le volume de lecture contribuait significativement à de multiples mesures de vocabulaire, de connaissances générales, d'orthographe et de fluence verbale même après que les biais de la capacité de compréhension écrite et la capacité non-verbale eurent été évités.
Une manière de démontrer la nature prudente de ces analyses est illustrée dans l'étude longitudinale que nous avons menée (Cipielewski & Stanovich, 1992). Nous nous sommes demandé si le volume de lecture pouvait prédire des différences individuelles dans l'amélioration de la compréhension écrite du CE2 au CM2. Nous avons trouvé que le volume de lecture prédisait les variations de la capacité de compréhension écrite au CM2 après que les scores de compréhension écrite au CE2 eurent été enlevés. C'est pourquoi, en enlevant la contribution de la compréhension écrite dans nos études portant sur des sujets adultes, nous enlevons sans aucun doute possible une partie de la variation qui est légitimement attribuée au volume de lecture sur des variables telles que le vocabulaire ou les connaissances générales.
Le volume de lecture et les connaissances déclaratives
Dans d'autres études, nous nous sommes focalisés encore plus directement sur des connaissances factuelles en nous confrontant au problème "D'où viennent les connaissances ?" Stanovich and Cunningham (1993) ont examiné la capacité générale, le volume de lecture et l'exposition à d'autres medias comme facteurs déterminants des différences individuelles concernant les connaissances factuelles. Cette étude contenait un test particulièrement rigoureux pour mesurer le rôle du volume de lecture sur les différences individuelles dans l'acquisition de connaissances chez 268 étudiants d'Université. Nous avons fait passer cinq séries de tests de culture générale aux étudiants. Puis nous avons encore une fois faussé le jeu en défaveur du volume de lecture en entrant statistiquement quatre mesures de capacité générale avant de regarder la contribution du volume de lecture : la moyenne des points au Lycée, les scores obtenus à un test d'intelligence, un test mathématique de type SAT et un test de compréhension écrite pour adulte. Cette série de tâches a certainement permis de couvrir la variation attribuable à tout concept de capacité générale ; et, comme nous pouvions nous y attendre, nous avons trouvé que la capacité générale était responsable d'une substantielle proportion de variation dans la mesure composite de la connaissance générale. Ensuite, nous avons entré une mesure composite de l'exposition à la télévision, mais elle n'a été responsable d'aucune variation additionnelle. Cependant, un index composite du volume de lecture était à l'origine de 37,1 pour cent de la variation quand il était entré après les quatre mesures de capacité et celle de l'exposition à la télévision.
Ce schéma fut répété pour chacune des grandes mesures de connaissance générale que nous employâmes, y compris un instrument conçu par nos soins que nous avons baptisé Test de Connaissances Pratiques. Cette tâche était destinée à répondre à la critique selon laquelle nos mesures de connaissances générales étaient trop scolaires - qu'elles observaient des connaissances qui étaient trop ésotériques ou élitistes et qui n'étaient pas utiles dans la vie de tous les jours. Nous ne pensions pas que c'était vrai; bien des items dans ces mesures portaient sur des choses terre-à-terre et concrètes telles que "Quelle partie du corps est touchée par l'infection appelée pneumonie ?" Néanmoins, dans le Test de Connaissances Pratiques, nous nous efforçâmes de formuler des questions qui correspondaient directement à la vie quotidienne dans une société technologique à la fin du XXe siècle. Par exemple, Que fait le carburateur dans une automobile ? Que veut dire une substance "cancérigène" ? Après l'augmentation par la Banque Fédérale du taux d'intérêt directeur, l'intérêt que l'on vous demandera de payer pour rembourser votre prêt automobile va généralement augmenter / baisser / rester le même ? Quelle vitamine est très fortement concentrée dans les agrumes ? Quand un marché boursier s'essouffle, qu'est-ce qui se passe ? etc.
Les résultats indiquent que les lecteurs les plus avides dans notre étude - indépendamment de leur capacité générale - en savaient plus sur le fonctionnement du carburateur, étaient plus à même de savoir où résidait leur Préfet, avaient plus de chance de savoir combien de cuillères à café il faut pour remplir une cuillère à soupe, avaient plus de chance de savoir ce qu'était un AVC et ce qu'était un circuit fermé dans une usine, etc. On aurait tout de même bien du mal à dénier à toutes ces connaissances une certaine pertinence relativement à la vie aux Etats-Unis à la fin du 20e siècle.
Sur d'autres questions posées à ces étudiants, nous avons essayé de sonder des zones dont nous pensions qu'elles pouvait être caractérisées par de la mauvaise information. Nous avons alors essayé de dessiner l' "anatomie cognitive" de cette mal-information. Une de ces questions portait sur les tailles des religions majeures du monde et a été conçue pour apprécier la reconnaissance qu'avaient les sujets de la nature multiculturelle du monde moderne. "L'Encyclopedia Britannica de 1986 estime qu'il y a approximativement neuf cent millions de personnes dans le monde (pas seulement aux Etats-Unis) qui se considèrent eux-mêmes comme chrétiens. Combien de personnes dans le monde (pas seulement aux Etats-Unis) se considèrent selon vous comme ?" Des espaces étaient laissés sur la feuille de test pour faire des estimations du nombre de Musulmans, Juifs, Bouddhistes, Hindous, etc.
Nous centrerons ici notre attention sur les estimations du nombre de Musulmans et de Juifs à cause de notre hypothèse a priori selon laquelle la fréquence des informations diverses due à la médiatisation télévisée d'Israël aux USA a faussé la perception de ce ratio. Alors que l'estimation médiane par notre échantillon du nombre de personnes juives (20 millions) était assez proche du chiffre réel de 18 millions selon le livre Universal Almanac de 1990, le nombre de Musulmans estimés - une moyenne de 10 millions - était étonnamment bas (L'Universal Almanac donne une estimation de 817 millions). Pour chaque participant, nous avons calculé le ratio des estimations Musulmans/Juifs pour voir combien d'étudiants étaient conscients du fait que le nombre de Musulmans est d'un ordre de grandeur plus important (le ratio réel est approximativement de 33 sur 1 selon le World Almanac, de 45 sur 1 selon l'Universal Almanac). Le ratio médian de notre échantillon était de 0,5. C'est-à-dire que 69,3 % de notre échantillon pensaient que les Juifs étaient plus nombreux que les Musulmans dans le monde.
Ce niveau d'inexactitude est étonnant étant donné que 40 % de notre échantillon de 268 étudiants étaient inscrits dans l'une des Universités les plus sélectives des Etats-Unis, l'Université de Californie, Berkeley. Nous avons exploré les corrélations de cette idée fausse selon des angles variés. Nous avons regardé si les réponses à cette question pouvaient être fonction du volume de lecture des étudiants ainsi que de leur nombre d'heures passées à regarder la télévision. Nous avons observé un effet bien net du volume de lecture sur les scores à cette question et un effet significatif du visionnage de la télévision, mais ces effets étaient opposés. Le volume de lecture était associé avec des scores plus élevés à la question, mais l'exposition à la télévision était associée avec des scores inférieurs. Les scores de ceux qui avaient le plus de volume de lecture et le moins d'exposition à la télé étaient les plus hauts et les scores les plus bas ont été obtenus par ceux qui regardaient le plus la télévision et lisaient le moins. Nos analyses ont donc confirmé que ces relations n'étaient pas dus à des différences dans l'intelligence générale.
De manière similaire, nous avons examiné une variété d'autres erreurs dans un certain nombre de domaines différents - parmi lesquels les connaissances sur la Seconde Guerre Mondiale, les langues du monde et les composants du budget fédéral - et toutes répliquent le schéma montré par la question précédente. L'anatomie cognitive de l'erreur se résume simplement à une trop pauvre exposition à l'écrit (ou à la lecture) et une trop grande confiance dans la télévision comme source d'informations sur le monde. Bien que le visionnage de la télévision puisse présenter des associations positives avec la connaissance quand le visionnage se limite à la télévision publique, aux informations et/ou à des documentaires (Hall, Chiarello, & Edmondson, 1996; West & Stanovich, 1991; West et al., 1993), la familiarité avec les divertissements de prime-time qui définit le visionnage de masse en Amérique du Nord est souvent associée avec des performances négatives dans l'acquisition des connaissances.
Dans une autre étude, Stanovich, West, & Harrison (1995) ont examiné une population beaucoup plus âgée pour analyser dans quelle mesure les différences dans le volume de lecture rendent compte des différences dans la croissance des connaissances liées à l'âge. Bien que de nombreuses recherches aient été consacrées à décrire la croissance cumulative dans l'intelligence cristallisée (par ex., les connaissances acquises telles que le vocabulaire et la culture générale), nous connaissons peu de choses sur les expériences qui traitent de l'augmentation des connaissances chez les individus plus âgés. Par exemple, l'expérience éducative (les années de scolarisation) sont un facteur prédictif du fonctionnement intellectuel des individus plus âgés (Voir par exemple Schwartzman, Gold, Andres, Arbuckle, & Chaikelson, 1987). Il est posé que l'éducation (qui est reçue tôt dans la vie) détermine en partie l'étendue et la qualité de nombreuses activités intellectuelles plus tard dans la vie. Et c'est vraisemblablement cette activité intellectuelle au fur et à mesure que l'on prend de l'âge qui est si cruciale à la préservation des capacités intellectuelles. C'est pourquoi, même si un développement considérable des habiletés et capacités cognitives peut résulter des expériences éducatives scolaires, c'est l'usage tout au long de la vie de ces habiletés qui est supposée avoir l'effet bénéfique.
Dans cette étude, Stanovich et al. (1995) examinèrent les performances d'étudiants d'Université et de citoyens seniors en connaissance générale, vocabulaire, mémoire de travail, raisonnement logique et sur divers tests du volume de lecture. Les individus plus âgés surclassent les étudiants dans leurs résultats aux tests de culture générale et de vocabulaire, mais font significativement moins bien que les sujets étudiants dans les tâches portant sur la mémoire de travail et sur le raisonnement syllogistique. Cette dissociation entre l'intelligence fluide (capacité générale en résolution de problème de toute sorte) et l'intelligence cristallisée (culture générale et vocabulaire) est un résultat ordinaire dans la littérature scientifique (Baltes, 1987; Horn & Hofer, 1992; Salthouse, 1988). Pourtant, une série d'analyses indique que lorsque des mesures du volume de lecture étaient utilisées comme variables de contrôle, les relations positives entre l'âge et le vocabulaire ou entre l'âge et la culture générale étaient éliminées (par contre, les relations négatives entre l'âge et les capacités fluides restaient largement les mêmes). C'est pourquoi les résultats de cette étude sont cohérents avec la conjecture selon laquelle - dans le domaine des habiletés verbales - lire beaucoup peut même aider à compenser les effets normalement dévastateurs du vieillissement ! (Voir aussi Smith, 1996.)
Comment devenons-nous des lecteurs avides ?
Revenant en arrière vers l'autre extrémité de l'échelle des âges, nous passerons maintenant à la question suivante : Étant donné que les habitudes durables de lecture sont de si grands facteurs prédictifs de la croissance cognitive verbale, qu'est-ce qui à son tour permet de prédire ces habitudes ? Nous avons examiné le volume de lecture comme facteur prédictif de la compréhension écrite et des habiletés cognitives, mais qu'est-ce qui prédit le volume de lecture et la lecture avide ?
Il est généralement accepté que la capacité de compréhension écrite et le volume de lecture sont dans une relation réciproque. Dans une tentative de clarifier cette relation réciproque, nous avons exploré les liens entre la lecture et les capacités cognitives d'enfants de CP et les résultats de ces mêmes enfants en 1re dans une étude longitudinale de dix années unique en son genre (Cunningham et Stanovich, 1997). La plupart de nos recherches postérieures portaient sur l'évaluation de relations contemporaines, mais dans cette étude, nous avpons examiné les résultats d'un échantillon d'élèves qui avaient déjà été testé alors qu'ils étaient au CP (voir Stanovich, Cunningham et Feeman, 1984). À peu près la moitié de ces élèves était disponible dix ans plus tard pour être testés comme élèves de Première. A ce moment, nous avons fait passer une série d'épreuves testant la compréhesnion écrite, l'habileté cognitive, le vocabulaire et la culture générale, ainsi que diverses mesures du volume de lecture. De plus, quelques tests standardisés de la période en cours étaient disponibles. Nous avons donc été en mesure d'examiner quelles variables mesurées au Cp prédisaient ces résultats cognitifs obtenus en classe de Première. Nous avons interprété les mesures de volume de lecture obtenues en Première comme indicateurs cumulatifs de variation dans le volume de lecture qui avait cours bien des années plus tôt. Ainsi, nous avons envisagé les mesures d'une certaine manière comme des indicateurs rétrospectifs permettant de sonder les expériences et les habitudes cumulatives des étudiants à des années de distance avant l'analyse actuelle. De cette façon, nous fûmes capables d'examiner à quelle distance ces caractères rétrospectifs pouvaient être esquissés.
Nous avons posé la question de savoir si la vitesse de l'acquisition initiale de la lecture au CP pouvaient prédire les tendances postérieures d'engagement dans les activités de lecture même après que les différences dans les capacités cognitives générales eurent été contrôlées, comme certains modèles d'effets Matthieu dans la réussite éducative l'avait prévu (Chall, Jacobs, & Baldwin, 1990; Juel, 1994; Stanovich, 1986). Nous avons statistiquement retiré la contribution de la capacité de compréhension écrite de Première dans le but de retirer l'association directe entre le volume de lecture et l'habileté de lecture en cours. Puis nous avons examiné la contribution de trois mesures standardisées d'habileté en lecture au CP (décodage, reconnaissance de mots et compréhension) et avons observé que ces trois mesures prédisaient le volume de lecture des élèves de Première même une fois que les résultats obtenus en compréhension écrite en Première eurent été retirés ! Par contre, nous avons observé que les mesures d'intelligence effectuées au CP ne prédisent pas exclusivement le volume de lecture en Première de la même façon. C'est pourquoi cette étude nous a montré qu'un départ précoce en lecture est important dans la prédiction d'une vie riche d'expériences de l'écrit - et ceci est vrai indépendamment du niveau de capacité de compréhension que l'individu atteint finalement.
C'est une découverte étonnante parce qu'elle signifie que les étudiants qui démarrent la lecture rapidement sont plus susceptibles de lire plus à travers les années, et par conséquent, cet acte de lire en lui-même peut aider les enfants à compenser leurs niveaux modestes d'habileté cognitive en construisant leur vocabulaire et leur connaissance générale. En d'autres mots, l'habileté n'est pas la seule variable qui compte dans le développement du fonctionnement intellectuel. Ceux qui lisent beaucoup augmenteront leur intelligence verbale ; autrement le fait de lire les rendra plus intelligents.
Les effets réciproques du volume de lecture
Nous pouvons commencer à esquisser un aperçu des influences réciproques de l'acquisition précoce de la lecture et du volume de lecture comme facteurs déterminants de la compréhension écrite ultérieure et des autres capacités cognitives. Un succès précoce dans l'acquisition du savoir-lire est une des clés qui déverrouille une vie entière d'habitudes de lecteur. L'exercice ultérieur de cette habitude sert à développer encore plus la capacité de compréhension écrite dans une logique emtrelacée de feedbacks positifs (Juel, Griffith, & Gough, 1986; Juel, 1988; Snow, Barnes, Chandler, Goodman, & Hemphill, 1991; Stanovich, 1986, 1993). Bien qu'il soit difficile à séparer, nous avons essayé de reconstituer l'incroyable divergence dans la capacité de lecture des enfants, de même que d'autres effets cognitifs, en examinant les deux côtés de la causalité réciproque. Notre étude longitudinale nous a permis d'observer ces effets selon lesquels les enfants qui sortent les premiers des starting-blocks - qui craquent le code graphémo-phonémique précocement - entrent dans une boucle rétroactive positive. Un des bénéfices de ces effets réciproques est peut-être celui de constituer un levier pour participer aux activités de lecture-écriture qui conduisent à une habitude de lecture pour la vie entière et donne les bases pour de futures opportunités -opportunités dont ne bénéficient pas les enfants qui entrent dans cette boucle de rétroaction trop lentement.
Une dimension positive de notre recherche est que toutes nos études ont démontré que la lecture donne des dividendes intéressants à tout le monde - pas seulement aux enfants "intelligents" ou aux lecteurs les plus doués. Même l'enfant qui a des capacités de lecture et de compréhension limitées construira du vocabulaire et des structures cognitives à travers la lecture.
Nous pouvons ainsi extraire deux messages cruciaux des résultats de nos recherches. Premièrement, on n'estimera jamais assez l'importance de donner aux enfants un démarrage en lecture précoce et réussi. Nous devons nous assurer que les capacités des élèves en décodage et en reconnaissance de mots progressent solidement. Ceux qui lisent bien vont probablement lire plus, mettant ainsi en marche une spirale ascendante.
Deuxièmement, nous devons fournir à tous les enfants, indépendamment de leurs niveaux de réussite, autant d'expériences de lecture que possible. D'ailleurs, cela devient doublement impératif chez ces enfants précisément dont les capacités verbales nécessitent le plus un renforcement, car c'est l'acte même de lire qui peut construire ces capacités. Un message encourageant pour les enseignants qui ont des élèves faibles est implicite ici. Nous nous désespérons souvent de ne pas pouvoir faire évoluer les capacités de nos élèves, mais il y a au moins une habitude partiellement malléable qui elle-même développera des capacités - la lecture !
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