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La bise fait le bruit d'un géant qui soupire ;
La fenêtre palpite et la porte respire ;
Le vent d'hiver glapit sous les tuiles des toits ;
Le feu fait à mon âtre une pâle dorure ;
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.(dernière gerbe)
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Voici que la saison décline,
L'ombre grandit, l'azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L'oiseau frissonne, l'herbe a froid.
Août contre septembre lutte ;
L'océan n'a plus d'alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.
La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l'été fond.(dernière gerbe)
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Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
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La blanche école où je vivrai
N'aura pas de roses rouges
Mais seulement devant le seuil
Un bouquet d'enfants qui bougent
On entendra sous les fenêtres
Le chant du coq et du roulier;
Un oiseau naîtra de la plume
Tremblante au bord de l'encrier
Tout sera joie! Les têtes blondes
S'allumeront dans le soleil,
Et les enfants feront des rondes
Pour tenter les gamins du cielRené-Guy Cadou
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Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son boeuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise
Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises
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Le matin compte ses oiseaux
Et ne retrouve pas son compte.
Il manque aujourd'hui trois moineaux,
Un pinson et quatre colombes.
Ils ont volé si haut, la nuit,
Volé si haut, les étourdis,
Qu'à l'aube, ils n'ont plus trouvé trace
De notre terre dans l'espace.
Pourvu qu'une étoile filante
Les prenne sur sa queue brillante
Et les ramène ! Il fait si doux
Quand les oiseaux chantent pour nous.
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Né au pays de la soie fine
Dans un cocon venu de Chine,
L'Orient est peint sur ses ailes.
Jaune ou bleu, vert ou vermeil,
Il vole, il va, il vit sa vie
A petits battements ravis.
Dans l'air doux, comme un éventail.
On le voit, on ne le voit plus,
Il est ici, il est là,
Ou bien c'est un nouveau venu
Son jumeau qui passe là-bas.
Ah ! Mettez au clou vos filets,
Jetez épingles et bouchons,
Laissez-le libre car il est
La poésie, le papillon !
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L’un trempe son pain blanc dans du café au lait,
L’autre boit du thé noir et mange des tartines,
Un autre prend un peu de rouge à la cantine.
L’un s’étire et se tait. L’autre chante un couplet.
Là-bas la nuit ; ici l’on ouvre des volets.
L’un dort, l’autre déjà transpire dans l’usine.
Plus d’un mène sa fille à la classe enfantine.
L’un est blanc, l’autre est noir, chacun est comme il est.
Ils sont pourtant pareils et font le même rêve
Et le même désir est en nous qui se lève :
Nous voulons vivre plus, atteindre ce degré
De plénitude où sont les couleurs de la pomme
Et du citron que le matin vient éclairer.
Nous voulons être heureux, heureux, nous autres hommes.
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Tout d’abord, de son nez délicat il le flaire,Le frôle : puis, à coups de langue très petitsIl le lape ; et dès lors il est à son affaire,Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.
Il boit, bougeant la queue, et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, bien proprement débarbouillé le plat […]
Edmond ROSTAND
Les Musardises
Flairer : renifler.
Laper : boire à coups de langue.
Il est à son affaire : il se régale.
Clapotis : petit bruit d’eau.
Rêche : rugueuse.Le poème complet:
Le Petit Chat
C’est un petit chat noir, effronté comme un page,
Je le laisse jouer sur ma table, souvent.
Quelquefois il sassied sans faire du tapage ;
On dirait un joli presse-papier vivant.Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge,
Longtemps il reste là, noir sur un feuillet blanc,
A ces minets tirant leur langue de drap rouge,
Qu’on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.Quand il s’amuse, il est extrêmement comique,
Pataud et gracieux tel un ourson drôlet,
Souvent je m’accroupis, pour suivre sa mimique,
Quand on met devant lui sa soucoupe de lait.
Tout d’abord de son nez délicat il le flaire,
Le frôle, puis, à coups de langue très petits,
Il le happe ; et dès lors il est à son affaire,
Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne relève enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a passé sa langue rêche et rose
Partout, très proprement débarbouillé le plat.
Alors, il se pourlèche un moment les moustaches,
Avec l’air étonné d’avoir déjà fini,
Et comme il s’aperçoit qu’il s’est fait quelques taches,
Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
Il les ferme à demi, parfois en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.
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Auteur : Paul Fort (1872-1960).
Oeuvre : Ballades françaises.
L’Écureuil
Écureuil du printemps, écureuil de l’été, qui domines la terre avec vivacité, que penses-tu là-haut de notre humanité ?
— Les hommes sont des fous qui manquent de gaieté.
Écureuil, queue touffue, doré trésor des bois, ornement de la vie et fleur de la nature, juché sur ton pin vert, dis-nous ce que tu vois ?
— La terre qui poudroie sous des pas qui murmurent.
Écureuil voltigeant, frère du pic bavard, cousin du rossignol, ami de la corneille, dis-nous ce que tu vois par-delà nos brouillards?
— Des lances, des fusils menacer le soleil.
Écureuil, cul à l’air, cursif et curieux, ébouriffant ton col et gloussant un fin rire, dis-nous ce que tu vois sous la rougeur des cieux ?
— Des soldats, des drapeaux qui traversent l’empire.
Écureuil aux yeux vifs, pétillants, noirs et beaux, humant la sève d’or, la pomme entre tes pattes, que vois-tu sur la plaine autour de nos hameaux ?
— Monter le lac de sang des hommes qui se battent.
Écureuil de l’automne, écureuil de l’hiver, qui lances vers l’azur, avec tant de gaieté ces pommes… que vois-tu ?
— Demain tout comme Hier.
Les hommes sont des fous et pour l’éternité.
Paul Fort, Ballades françaises, Éd. Flammarion.
N.B. : Paul Fort (1872-1960). De 1896 à 1958, restant fidèle à une seule forme poétique, il publie les dix-sept volumes des Ballades françaises. Pour Paul Fort, la « ballade », prise au sens musical ou originel de « chanson à danser », doit s’écrire en prose. Cette « prose » est en réalité faite de vers réguliers, rimés ou assonancés. L’intention est avant tout rythmique et musicale.
Les points d'interrogation à la fin des subordonnées interrogatives indirectes sont incorrects, mais c'était ainsi que le texte avait été publié, apparemment.Auteur : Paul Fort (1872-1960).
Oeuvre : Ballades françaises.
Genre : théâtre.
Source : Jean Barbé et Edgar Monteil, Dialogues à lire et à jouer, Cycle moyen, Nathan, 1981.
D'autres poèmes de Paul Fort sur le blog :
Complainte du petit cheval blanc
Le vent a fait le tour du monde
D'autres poèmes de Paul Fort sur le site http://www.ecole-paulfort.com/poetePF4.php
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